Les Références Artistiques Surréalistes dans Squid Game

Les Références Artistiques Surréalistes dans Squid Game

Bastien Alleaume | 8 oct. 2021 7 minutes de lecture 1 commentaire
 

La nouvelle série sud-coréenne qui bat tous les records d’audience sur Netflix regorge de détails en tout genre, et s’inspire habilement d’artistes surréalistes tels que René Magritte, Salvador Dali ou MC Escher : petit tour d’horizon des références artistiques cachée au sein de la série. Attention, Spoilers !

Si vous avez cliqué sur cet article, c’est probablement que vous faites partie des (très) nombreuses personnes ayant découvert la nouvelle série sensation Netflix, Squid Game. Vous avez donc surement déjà constaté qu’en plus d’être une satire sociale particulièrement efficace, la série développe une direction artistique impeccable, du décor aux costumes, en passant par la subtilité des détails.

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Squid Game, EP1. © Netflix.

Numéro 1 des programmes les plus visionnés de la plateforme dans plus de 90 pays, cette série à mi-chemin entre Hunger Games, Battle Royale et les épisodes les plus obscurs de Black Mirror ne passe pas inaperçue. Squid Game, c’est l’histoire d’une compétition clandestine où plusieurs centaines de joueurs s’affrontent dans une série d’épreuves mortelles, inspirées des jeux traditionnels préférés de la jeunesse sud-coréenne. Organisées par une élite capitaliste en mal de sensations fortes, toutes les épreuves sont accompagnées d’une esthétique particulière, confrontant la banalité joyeuse du jeu à la nature cruelle et menaçante de ses conséquences.

Aujourd’hui, on part à la découverte des différentes références artistiques dissimulées tout au long de la série : Suivez le guide !

1. René Magritte, une inspiration au cœur de l’intrigue

Bénéficiant déjà d’une symbolique globale particulièrement bien amenée (couleurs allégoriques et formes géométriques omniprésentes), la série regorge d’indices permettant aux spectateurs les plus avisés d’anticiper la suite du scénario.

L’un de ces précieux indices est passé inaperçu pour la plupart des spectateurs : cela se passe dans l’épisode 2, lorsque l’inspecteur, Hwang Jun-ho, visite la chambre inhabitée de son frère mystérieusement disparu. Ce frère, on le saura plus tard, est un élément clef de l’intrigue : gagnant d’une précédente compétition mortelle, il deviendra le cruel Maitre du Jeu (avec le masque noir).

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Squid Game, EP2. © Netflix.

En explorant les rares indices meublant la chambre du disparu, juste avant de découvrir la carte de visite aux formes géométriques qui le mettra sur la piste du Squid Game, le policier inspecte la bibliothèque personnelle de son frère. Sur le bureau, une douzaine de livres sont rangés contre le mur (maigre collection pour un multimillionnaire !). On y aperçoit un florilège d’ouvrages artistiques : un livre sur les périodes bleue et rose de Picasso, un livre biographique sur Claude Monet, ainsi qu’un livre répertoriant la totalité des œuvres de Vincent van Gogh.

Devant ce maigre étalage, deux livres sont disposés en évidence sur le bureau. Il s’agit d’un ouvrage du psychanalyste parisien Jacques Lacan (à droite), et d’un livre monographique sur René Magritte, avec pour couverture l’une des nombreuses versions de son œuvre à succès : L’Empire des Lumières.

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René Magritte, L’Empire des Lumières, 1953-54. Lithographie originale disponible sur Artmajeur

Mais pourquoi ces livres ? Pourquoi les avoir disposés ainsi ? Simple hasard ou message caché ? 

Evidemment, dans Squid Game, rien n’est laissé au hasard : ces deux livres servent d’indices pour permettre aux spectateurs les plus avisés d’établir des suppositions quant à la suite du scénario. Jacques Lacan, auteur de l’ouvrage à droite, est un psychanalyste mondialement connu, notamment pour ses études sur le désir humain et l’interdépendance des êtres. Une étude approfondie de ses écrits s’avérerait être particulièrement utile pour quiconque souhaiterait asservir des centaines d’humains en proie à un macabre destin. Malin, ce maitre du jeu !

Mais que fait René Magritte dans cette séquence ? Il semblerait que l’évocation du plus grand peintre surréaliste belge ne soit pas dû au hasard elle-aussi, comme en témoigne les (très) nombreuses apparition de son œuvre « L’Empire des Lumières » dans cette même scène. En effet, on trouve une reproduction de l’œuvre en carte postale sur le côté de la bibliothèque, puis dans un format plus large de l’autre côté du bureau, sur laquelle le regard de l’inspecteur s’arrête pendant plusieurs secondes.

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Squid Game, EP2. © Netflix.

L’Empire des Lumières est l’un des plus grands chef-d’œuvre du génie surréaliste belge, qui en réalisera 16 variantes tout au long de sa carrière. Sa composition est une confrontation du jour et de la nuit, une sorte de collage perturbant l’esprit du contemplateur par son impossibilité matérielle.

Sa force symbolique est évidente : c’est la coexistence de l’obscurité et de la lumière, du bien et du mal, de l’occulte et du sacré. Comme pour témoigner de l’évolution interne d’un personnage, qui passe de proie à bourreau, de victime à persécuteur, de joueur fragile à surveillant cruel. Cette œuvre bouleverse le principe d’organisation fondamentale de la vie, tout en provoquant la confusion et le malaise.
Si Squid Game était une œuvre d’art, ce serait cette peinture.

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William Friedkin, L’Exorciste, 1973. © Warner Bros.

Ce n’est d’ailleurs pas la seule référence à cette toile énigmatique dans le monde de l’audiovisuel, puisque le célèbre film L’Exorciste (1973) s’inspirait déjà de ce tableau dans une scène mythique, qui lui servit également d’affiche promotionnelle : lorsque le prêtre arrive près de la maison des Mac Neil, éclairé par la puissante lumière d’un lampadaire.

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Squid Game, EP3. © Netflix.

Et… ce n’est également pas la seule référence à René Magritte dans la série Netflix, puisque celle-ci lui rend hommage régulièrement, plus ou moins discrètement. Par exemple, dans l’épreuve consistant à découper des formes géométriques dans une sorte de pâte de sucre (Dalgona Candy), on constate la présence d’un symbole hérité de l’univers Magrittesque : le Parapluie. Dans la version traditionnel de ce jeu, aucune forme n’est imposée : il s’agit donc d’un choix volontaire de direction artistique.

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René Magritte, Les Vacances de Hegel, 1958. Collection privée.

Dans le même esprit, les décors muraux des salles de jeux, souvent composés de ciels bleus et de nuages blancs, rappellent fortement les ciels minimalistes et enfantin du peintre belge. L’univers surréaliste de Magritte est présent à chaque instant.

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René Magritte, L’Empire des Lumières (variante), 1964-65. Lithographie originale disponible sur Artmajeur.

2. Une mention spéciale au chef-d’œuvre de M.C. Escher

Vous vous souvenez de ces interminables escaliers roses dans lesquels nos joueurs préférés se déplacent en file indienne, comme des fourmis, pour accéder aux différentes salles de jeux ?
Et bien, ces rampes infinies sont directement inspirées d’un gravure de l’artiste Néerlandais Maurits Cornelis Escher, intitulée Relativity.

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Squid Game, EP1. © Netflix.

Cet artiste d’origine Néerlandaise, né à la toute fin du 19ème siècle, a fasciné le monde entier avec des gravures illustrant des notions mathématiques complexes et des objets impossibles (cube de Necker, triangle de Penrose...). En manipulant la perspective dans ses dessins, il réalisa d’incroyables trompe-l’œil, jusqu’à devenir un maitre incontesté du genre.

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M.C. Escher, Relativité, 1953.

Ici, la référence est flagrante : les escaliers tortueux et les personnages aux formes banales renforcent le sentiment de ressemblance. La directrice artistique du Show confirmera d’ailleurs dans une interview s’être clairement inspirée de M.C Escher pour conceptualiser cet espace.

3. Une élite occulte et excentrique inspirée d’un bal surréaliste 

Du côté des super-vilains aussi, la série ne manque pas de mystères. Si vous aussi vous avez été perturbés par ces VIP, une élite richissime dissimulée sous des masques dorés, alors accrochez-vous bien, car leur réunion secrète et leurs étranges déguisements sont inspirés d’un évènement bien réel : le « Bal surréaliste » de Marie-Hélène de Rothschild.

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Squid Game, EP7. © Netflix.

Marie-Hélène de Rothschild est une riche héritière française, mécène et proche du célèbre artiste surréaliste Salvador Dali. Elle organisa plusieurs bals dans le Château de Ferrières, un immense fort proche de Paris. Le 12 décembre 1972, elle y invita de nombreuses personnalités riches, puissantes et influentes du monde entier (dont Audrey Hepburn, Dali et de nombreux membres de la famille Rothschild)

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Le Bal Surréaliste des Rothschild, 1972.

La décoration du manoir fut confiée à Salvador Dali, et les invités avaient l’obligation de se déguiser en respectant le thème de la soirée : le surréalisme. Nous vous laissons constater le résultat en images : une soirée macabre à souhait, avec des masques et des costumes tous plus dérangeants les uns que les autres. Mention spéciale pour l’hôte, Marie-Hélène de Rothschild, qui porte un masque de cerf serti de diamants en forme de larmes. Ça vous rappelle quelques chose ? Vous êtes mal à l’aise ? Nous aussi ! 

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Le Bal Surréaliste des Rothschild, 1972.

Les déguisements macabres et l’atmosphère occulte de cette soirée inspirèrent Stanley Kubrick pour son film Eyes Wide Shut, qu’il réalisa quelques mois avant sa mort. Une rumeur complotiste affirme d’ailleurs que son décès serait lié aux secrets mondains qu’il aurait pu divulguer dans ce film. En tout cas, aucuns doutes : la direction artistique de Squid Game s’est inspirée du bal surréaliste et du film de Stanley Kubrick pour concevoir les masques d’animaux portés par ces odieux capitalistes

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Stanley Kubrick, Eyes Wide Shut, 1999. © Warner Bros.

Et voilà, ce classement est terminé. On attend avec impatience une deuxième saison pour pouvoir se délecter de nouvelles subtilités scénaristiques !
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