Deux archéologues, dont un conservateur du Louvre, sont arrêtés par les autorités françaises dans le cadre d'une opération internationale de trafic d'art

Deux archéologues, dont un conservateur du Louvre, sont arrêtés par les autorités françaises dans le cadre d'une opération internationale de trafic d'art

Jean Dubreil | 26 juil. 2022 4 minutes de lecture 0 commentaires
 

Ils sont accusés d'avoir conseillé par négligence au Louvre Abu Dhabi d'acheter des œuvres d'art de provenance douteuse.

Musée du Louvre, Paris (France)

Les enquêteurs français ont arrêté deux archéologues et conservateurs de haut rang dans le cadre d'une enquête sur un scandale international de trafic d'art impliquant le Louvre Abu Dhabi, le Met et l'ancien directeur du Louvre Jean-Luc Martinez. Selon le quotidien français Libération, Jean-François Charnier et Nomi Daucé sont soupçonnés d'avoir ignoré les avertissements concernant la provenance douteuse d'au moins deux antiquités égyptiennes prétendument volées valant des millions et d'avoir incité le Louvre Abu Dhabi à les acquérir.

Elles sont accusées de négligence alors qu'elles travaillaient à l'Agence France-Muséums (AFM), une agence privée chargée de certifier la légalité et la provenance d'antiquités anciennes pour le Louvre Abu Dhabi avant son ouverture en 2017. Les deux experts ont collaboré avec l'ancien directeur du Louvre Jean-Luc Martinez, qui a été président du comité scientifique de l'AFM de 2013 à 2021 tout en dirigeant le célèbre musée. Martinez a été inculpé en France en mai pour "complicité d'escroquerie en bande organisée et blanchiment" dans le cadre de l'affaire de trafic compliqué qui fait l'objet d'une enquête en collaboration avec le bureau du procureur de Manhattan. Martinez maintient son innocence, mais le gouvernement français a suspendu ses fonctions d'ambassadeur du patrimoine culturel liées au trafic d'art en juin. Daucé, qui est maintenant conservateur au Louvre à Paris, dirigeait auparavant le département d'archéologie de l'AFM. Selon Le Monde, Charnier, qui était le directeur scientifique de l'AFM et le "bras droit" de Martinez, est désormais conseiller auprès d'une autre agence culturelle française, Afalula, pour le développement culturel de la région d'Al-Ula en Arabie saoudite.


L'OCBC, l'office français de lutte contre le trafic d'art, a interrogé Charnier et Daucé, mais ils n'ont pas encore été inculpés. Selon Libération, qui a révélé l'affaire, ils pourraient être détenus jusqu'à 96 heures pour être interrogés à partir de lundi matin. L'AFM a été créée en 2007 en tant que société de conseil internationale pour aider au développement du Louvre Abu Dahbi. Bien qu'elle soit privée, elle a des actionnaires du secteur public, dont le plus important est le Musée du Louvre. Selon le site Internet de la société, "cette configuration particulière - une organisation privée avec un soutien public - permet à France Muséums de soutenir toutes sortes de projets".

Musée du Louvre, Abou Dhabi

Selon un rapport de l'OCBC consulté par Libération, l'AFM (souvent appelée France Muséums) a été sous le feu des projecteurs pour "de véritables négligences professionnelles" et "sans doute, avoir permis à des réseaux criminels de vendre les antiquités égyptiennes" impliquées dans l'affaire. L'AFM aurait approuvé l'acquisition de plus de 50 millions d'euros d'œuvres d'art anciennes prétendument volées par le Louvre Abu Dhabi, qui est également partie civile dans l'affaire, avec le Louvre à Paris. Selon un porte-parole de l'AFM, l'organisation a demandé à être également nommée en tant que partie civile. Les enquêteurs ont découvert que Charnier, Daucé et Martinez semblaient plus soucieux de plaire à leurs clients, de remplir les salles vides des musées et de maintenir de bonnes relations diplomatiques avec les EAU que de tenir compte des avertissements d'autres experts, selon le rapport de l'OCBC cité par Libération.

D'après Libération, Charnier aurait ignoré les inquiétudes concernant au moins un objet : une stèle en granit rose commémorant le roi Toutankhamon, dont on a découvert par la suite qu'elle était certifiée par de multiples faux documents. L'œuvre a été acquise par le musée après que Charnier ait cédé aux souhaits du président du département de la culture et du tourisme d'Abou Dhabi, Mohamed Khalifa al Mubarak, qui fait également partie de la commission d'acquisition du Louvre Abou Dhabi. Lorsque la nouvelle de l'implication possible de M. Charnier dans l'acquisition des antiquités suspectes a éclaté au printemps, il a quitté son ancien poste de directeur scientifique d'Afalula pour occuper un poste plus discret de conseiller du président de l'agence, et s'est préparé à être interrogé par les autorités, selon Le Monde.

Les autorités ont également découvert plusieurs dépôts "anormaux" effectués sur le compte bancaire de Charnier entre 2016 et 2018 en provenance d'une maison de vente aux enchères belge dirigée par les frères Ali et Hicham Aboutaam, dont la galerie Phoenix Ancient Art à New York et à Genève a fait l'objet d'une enquête policière en lien avec des artefacts illicites à de nombreuses reprises. Selon le quotidien français, les frères Aboutaam ont également vendu plusieurs œuvres au Louvre Abu Dhabi par l'intermédiaire de Charnier.

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