Sonia Perrin Orsini, © Malick Sidibé
La sélection In and Out - Photographier l'architecture, curatée par Sonia Perrin, propose une plongée dans l’univers fascinant de la photographie d’architecture, où la lumière, la matière et la mémoire des lieux se révèlent à travers le regard des photographes contemporains.
Sonia Perrin, une curatrice engagée
Entrepreneure culturelle et spécialiste en direction artistique, Sonia Perrin est une figure incontournable du monde de l’art et de la photographie. Forte de plus de trente ans d’expérience, notamment à la Maison Européenne de la Photographie et à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, elle met son expertise au service de la valorisation des images et du patrimoine architectural. À travers ses voyages et son engagement social, notamment à Madagascar avec l’association Azé, elle nourrit une vision artistique à la croisée des cultures et du temps.
Cité Radieuse (2021, Photographie, Philippe Rol
Photographier l’architecture : une histoire de regards
La photographie d’architecture trouve ses racines dans les débuts mêmes du médium. Dès 1826-1827, Nicéphore Niépce immortalise la première vue architecturale connue avec sa célèbre Vue de la fenêtre du Gras. Depuis, le regard des photographes n’a cessé d’évoluer : des daguerréotypes du XIXe siècle aux explorations urbaines contemporaines, chaque époque façonne sa manière de voir et de représenter l’espace construit.
Cette curation célèbre la diversité des regards portés sur l’architecture, entre rigueur documentaire et approche artistique. Certaines œuvres témoignent d’un temps révolu, comme ces clichés historiques, d’autres s’inscrivent dans la modernité du Bauhaus, où la photographie épouse les lignes géométriques et les jeux d’ombre et de lumière pour redéfinir la perception des volumes. À l’opposé, certains photographes explorent la fragilité du bâti, saisi dans son état d’abandon. L’urbex, en particulier, dévoile la poésie brute des lieux désertés, où la nature reprend ses droits et où chaque fissure raconte une histoire.
Écho d’Élégance Oubliée, Photographie, Frédéric Payet
Une sélection d’œuvres entre intérieur et extérieur
Dans cette curation, Sonia Perrin explore l’architecture dans toute sa complexité, entre grandeur et vulnérabilité. Les œuvres sélectionnées interrogent la manière dont la lumière, le mouvement et le passage du temps façonnent notre perception des espaces bâtis. Certaines jouent avec les perspectives et les contrastes lumineux, à l’image de Philippe Rol, dont Cité Radieuse (2021) réinvente les couloirs iconiques de Le Corbusier, ou de Michael Banifatov, qui dans WindowsDark #08 (2020) installe une tension dramatique entre ombre et clarté. D’autres captent l’essence du mouvement architectural, comme Corpron avec Escaliers (2017), où les lignes pures et dynamiques donnent une impression de fluidité et d’élan.
Vista general del Teatre Principal (2020), Photographie, La Makineta Del Temps
L’architecture est aussi un témoin du temps qui passe, parfois figé dans une atmosphère de mélancolie. Gone with the Dark №40 (2023) de Zheka Khalétsky plonge Bratislava dans une obscurité vibrante, où le bâti dialogue avec la nuit. La mémoire des lieux résonne avec force dans les œuvres de Virginie Le Carré, où ruines et lumière se rencontrent dans une suspension presque irréelle. Frédéric Payet, quant à lui, inscrit son Écho d’Élégance Oubliée dans un cadre empreint de nostalgie, où un piano et un miroir brisé murmurent les vestiges d’une grandeur révolue. Enfin, le théâtre, espace de représentation par excellence, devient chez La Makineta Del Temps un symbole du temps suspendu : dans Vista general del Teatre Principal (2020), le silence semble encore habité par l’écho des spectateurs disparus.
Sonia Perrin à travers son travail de curation nous invite à questionner la pérennité des constructions humaines et la manière dont l’image en préserve la mémoire. De l’édifice monumental aux ruines silencieuses, chaque photographie témoigne du passage du temps et de la puissance évocatrice des lieux. In and Out n’est pas seulement une exposition sur l’architecture, mais une réflexion sur notre rapport à l’espace, au souvenir et à l’invisible qui habite les constructions.