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Imene Mebarki

Retour à la liste Ajouté le 7 juin 2008

Entretien avec l’artiste peintre Imène Mebarki «L’artiste, ça fait de la politique»

Imene Mebarki a trouvé le fil d’Ariane entre la littérature, la psychologie, le septième art et les arts plastiques. La jeune artiste algéroise a participé à de nombreuses expositions, dont la toute dernière, «Panorama de la peinture algérienne», est en cours à Cherchell. Ses œuvres surréalistes portent des titres comme «Alger, autre monde», «Chemin de la paix», «L’Algéroise» ou «Danger civilisation». Elles nous font réfléchir. Cette artiste, disons, autodidacte, (elle a fait un passage par l’Ecole des beaux-arts) a également illustré des livres pour une maison d’édition française et une maison d’édition algérienne. Imène Mebarki est en train de penser à des œuvres inspirées du roman «Nedjma» de Kateb Yacine.

Propos recueillis par Kader B.

Le Jour d’Algérie : Comme tout artiste peintre, vous avez certainement des influences.
Imène Mebarki : Oui, il y a toujours des influences. Mais, en ce qui me concerne, ce ne sont pas les peintres qui m’influencent, mais les écrivains. Actuellement, je suis en train de relire
«Nedjma» de Kateb Yacine. C’est un roman plein d’énigmes et à chaque relecture, on se pose de nouvelles questions. J’adore ça et j’ai déjà dans la tête des sujets pour mes prochains tableaux.
J’allais oublier, il y a aussi l’influence du cinéma. Certains films sont inoubliables et je cite «Beethoven». J’aime également les films historiques et on se rappelle des faits mieux qu’en lisant des ouvrages d’histoire.

On a aussi l’impression que vos êtes un peu style manga.
Durant mon enfance, je regardais assidûment les dessins animés japonais comme «Sandy Bell» ou «Junger». Dans des tableaux, je reproduis ça, un peu sous forme de bande dessinée. Ce n’est pas exprès, ça vient comme ça, de manière spontanée, je ne calcule pas. Mais, ce genre de tableaux, je les peins pour moi et c’est très personnel, bien que je les expose de temps en temps. Cela dit, j’ai aussi d’autres tableaux où il y a beaucoup de recherches dans les techniques, les couleurs, etc. J’essaie d’explorer la psychologie dans l’art et j’effectue des recherches dans le domaine de la perspective. J’essaie de savoir comment l’autre, le visiteur, va réagir à la vue d’un tableau, quelles questions il va poser…

Et qu’est-ce que vous avez déjà remarqué ?
J’ai constaté que les couleurs rouge et noire attirent… et, bien sûr, une belle femme. Les gens préfèrent aussi quand il y a beaucoup de matière dans le tableau et quand on peut la toucher comme dans une sculpture. Mon travail à la galerie Racim est comparable à un sondage. Je vois des gens, des écrivains et je discute avec les visiteurs. J’ai constaté, par exemple, qu’il y a des gens pauvres qui s’intéressent à l’art, plus que d’autres, pourtant riches.

Quel est, selon vous, le rôle de l’artiste ?
L’artiste doit être à la page. Certains di-sent que l’artiste ne doit pas faire de la politique. Mais, par exemple, si on fait un tableau sur la Palestine, on fait de la politique. La Palestine, d’ailleurs, il ne faut pas cesser d’en parler et pas uniquement à l’occasion d’El Qods, capitale éternelle de la culture arabe. La neutralité, en réalité, n’existe pas et on n’est jamais indifférent. Mais, c’est vrai que l’artiste doit garder sa liberté et son indépendance. Dans son livre «L’intellectuel et le Pouvoir», Edouard Saïd a dit que quand le Pouvoir veut faire taire un artiste ou un intellectuel, il lui donne un poste. L’artiste, normalement, doit voir ce que les autres, même la personne concernée, ne voient pas. Il se sacrifie, mais il se sent bien parce qu’il a au moins servi à quelque chose en aidant les autres

Comment définir votre style ?
C’est du figuratif et, surtout, du surréalisme. Dans le surréalisme, c’est le côté caché qui prime, on imagine l’âme des choses et, par exemple, une table je la vois autrement. Le sujet n’apparaît pas directement et, par exemple, le terrorisme, je lui donne une image plus abjecte que la réalité. Par ailleurs, j’aime bien les contes de fée. Je m’intéresse à ce qui se passe dans la société, au patrimoine, à la sagesse des vieilles personnes, etc. J’écris l’histoire et en même temps je peins. J’ai lu beaucoup d’ouvrages de psychologie, Freud, Daco, etc. J’ai également lu et apprécié «l’Alchimiste» de Pablo Coelho et «Le rouge et le noir» de Stendhal. Pour résumer, je m’intéresse aux mécanismes de l’âme, au langage des signes et aux autres expressions que j’essaie de mettre dans mes tableaux.

Le meilleur moment de la journée, c’est après la fin d’un tableau ?
Oui, mais c’est aussi quand j’ai tout terminé la nuit et que je vais commencer la lecture d’un livre.
K.B.

Artmajeur

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