NOUVEAUTE: LE DROIT D'EXPOSITION

NOUVEAUTE: LE DROIT D'EXPOSITION

Nicolas Sarazin | 4 juin 2020 4 minutes de lecture 8 commentaires
 

Vous êtes artiste plasticien/graphique, on se charge de vous faire un résumé rapide et précis dans le droit d'exposition. C'est normal, car elle est très souvent ignorée (volontairement ou non) par les lieux d’expositions français. Le barème de la rémunération plancher (minimum) pour les artistes dans le cadre d'expositions temporaires est mis en place par le ministère de la Culture.

LE DROIT D'EXPOSITION EN FRANCE


Vous êtes artiste plasticien/graphique, et vous souhaitez en savoir plus sur le droit d’exposition ?

Vous êtes au bon endroit : on se charge de vous faire un résumé rapide et précis !

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Définition : 

Le droit d’exposition, qu’est-ce que c’est ?

Pour faire simple, le droit d’exposition consiste à percevoir une rémunération lorsque vos œuvres sont présentées à l’occasion d’une exposition publique (que le lieu d’accueil soit lui-même public ou non).

Cette rémunération vous semble étrange ?

C’est normal, car elle est très souvent ignorée (volontairement ou non) par les lieux d’expositions français, notamment les musées, bien qu’elle soit pourtant obligatoire.

En effet, l’article L122-2 du Code de la Propriété Intellectuelle prévoit les modalités de cette rémunération, et la Cour de Cassation a déjà tranché en ce sens, le 6 novembre 2002 : ce droit à rémunération devrait logiquement être négocié par un contrat de cession de droits, très rarement utilisé dans la pratique.

Les acteurs culturels se sont bien accommodés de cette zone d’ombre, en justifiant cette pratique par la dimension promotionnelle de l’exposition (le fameux «Vous ne serez pas payé, mais vous allez gagner en visibilité»), et par la possibilité offerte à l’artiste de vendre ses œuvres à l’occasion de ces évènements. C’est négliger un peu vite que l’art n’a pas pour fonction première de se voir attribuer un prix. C’est aussi oublier que le processus artistique est chronophage, et que la visibilité ne finance pas les courses à la fin du mois.

Le ministère de la culture s’est très récemment intéressé au sujet, en publiant le 18 décembre 2019 une recommandation relative à «Une rémunération du droit de représentation publique», afin d’accorder une rémunération minimum au bénéfice des artistes plasticiens lorsque ceux-ci présentent leurs œuvres dans le cadre d’expositions monographiques ou collectives.

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Le droit d’exposition, comment ça marche ?

- Les acteurs culturels concernés

Comme la nature du texte le suggère, vous l’aurez deviné, cette recommandation a une valeur contraignante limitée : la rémunération n’est obligatoire que pour «les établissements et les structures labellisées bénéficiant d’un soutien du ministère». 

Sont donc concernés ici :

les institutions recevant des subventions du ministère, les centres d’arts et les musées ayant reçu l’appellation «Musées de France»

 https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/r/22df4a13-72d8-4b34-940e-8aec297b5ded.

Cela ne s’applique donc pas encore obligatoirement aux structures privées (boutiques, bars, hôtels…), ce qui n’est pas forcément un mal pour les petites structures, qui réduiraient certainement leur calendrier d’exposition par l’imposition d’un coût supplémentaire, limitant dans le même temps la possibilité pour des artistes émergents de présenter publiquement leur travail et obtenir des retours.

- Le montant de la rémunération

La recommandation du ministère uniformise la situation, en proposant une rémunération plancher (minimum) pour les artistes dans le cadre d’expositions temporaires.

Le montant de cette rémunération peut donc potentiellement être revue à la hausse, bien qu’on puisse considérer les acteurs culturels relativement frileux à l’idée d’aller au-delà d’un texte qui bouleverse déjà leurs traditions.

Ci-dessous un tableau résumant le barème mis en place par le ministère. Pour les expositions monographiques (solo), l’artiste touchera 1.000 euros «quelle que soit la durée de l’exposition et le nombre d’œuvres exposées». Le barème fait aussi la distinction entre les expositions où l’entrée est libre, et celles où l’entrée est payante.

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- Le droit d’exposition, que faut-il en attendre ?

La récente énergie déployée par le Ministère de la Culture afin de rendre ce droit applicable est significative, bien qu’elle apparaisse toutefois assez tardive.

Elle s’apparente à une aubaine permettant aux artistes émergents de vivre plus sereinement leur passion, mais aussi comme un pétard mouillé, puisque les montants alloués s’avèrent exagérément faibles relativement à certaines structures (grands musées publics, fondations privées…), avec lesquelles les artistes auraient pu négocier bien davantage par voie contractuelle.

Cette recommandation deviendra bientôt contraignante pour l’intense majorité des lieux d’exposition. A eux, donc, de veiller au plus vite au respect de cette rémunération.

Le cas échéant, les artistes pourraient agir sur le fondement de l’atteinte à leurs droits patrimoniaux.

Les procédures juridiques étant lourdes, lentes, et surtout décourageantes, dans un milieu culturel où l’affrontement n’est pas la norme, on espère que cette «nouvelle pratique» intégrera rapidement les usages des acteurs culturels.

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Article rédigé par Bastien Alleaume, Juriste en droit de l'art.

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