ESTELLE CONTAMIN: L’enfance, ce qu’on en attrape et ce qui s’en échappe

ESTELLE CONTAMIN: L’enfance, ce qu’on en attrape et ce qui s’en échappe

Nicolas Sarazin | 11 oct. 2019 4 minutes de lecture 0 commentaires
 

L’enfance, celle, précise et envahissante des enfants présents, mais aussi celle, vécue et fugace, de chaque adulte, qui relève alors davantage d’un assemblage de souvenirs, de sensations, de couleurs… Estelle Contamin jongle avec tous ces éléments pour donner une vision d’un monde à la fois familier et lointain, où l’enfant est à la fois le sujet et le vecteur permettant d’accéder à quelque chose qui échappe au quotidien.

Estelle Contamin n’a pas toujours peint dans la veine qu’on lui connaît aujourd’hui. Pendant une dizaine d’années, cette artiste aujourd’hui installée à Nîmes s’est laissé guider par une peinture abstraite, proche de l’expressionnisme, où les coups de pinceaux et les grands gestes étaient visibles. Abstraite, mais déjà spontanée, libre, sans esquisse préalable. Et puis… « le figuratif est arrivé doucement, en même temps que les enfants, il y a une dizaine d’années ».

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Aujourd’hui, son œuvre est peuplée de figures, de végétaux, d’animaux, sans renier pour autant une partie abstraite, des couleurs, des formes qui fonctionnent comme des éléments d’équilibre dans la composition. Tous ces éléments, venant de souvenirs ou de perceptions mentales plus diffuses, ont tendance à se juxtaposer, se chevaucher, les uns effaçant les autres. Et quand les éléments sont encore trop apparents, l’artiste n’hésite pas à tout recouvrir d’une couche de blanc transparent, qui fonctionne comme un voilage tendu devant la scène. Les éléments eux-mêmes peuvent apparaître en positif, ou en négatif, comme ses feuilles de caoutchouc ou de palmier qui apparaissent en creux dans le fond vert. Qu’est-ce qui est devant ? Qu’est-ce qui est derrière ? Quel est le principal ? Quel est l’accessoire ?

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« J’aime les choses en mouvement. Je travaille d’après photos, mais ce qui m’intéresse n’est pas la scène figée de la photo. Généralement, je pars d’un fond coloré, uni ou déjà mélangé. Et j’intègre quelques éléments venant de mes photos, souvent des photos de mon entourage, tout ça sans croquis préalable. Mais cela ne s’arrête jamais là : s’il y a deux filles sur la photo, je peux évoquer deux filles sur la toile, mais après, peut-être qu’un garçon va apparaître, ou même des animaux, tous n’étant pas nécessairement sur le même plan dans l’image ».

Cette façon de faire fonctionne particulièrement bien avec le monde de l’enfance, présent en chacun, mais de manière plus ou moins évanescente. « Les enfants ? J’essaie de capter leur univers, mais tout en les laissant à distance. Cela passe par différentes façons de faire : j’aime par exemple que des éléments inachevés donnent consistance au reste, me contenter juste d’une évocation, j’aime aussi les recouvrir d’une couche d’un pigment acrylique fortement dilué. Ils sont là, mais ils sont loin »… 

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Même si on ne perçoit pas immédiatement leur présence, la palette généralement douce et pastel évoque vite cette période de la vie. Et puis, peu à peu, à travers les couches, se devinent des présences : un enfant qui regarde hors de la toile, de manière frontale, mais également un félin, qui a la même présence frontale par rapport au spectateur. Et pourquoi pas quelques éléments de paysages évoquant un autre lointain, tropical parfois…

Techniquement, cette peinture se présente comme telle –une peinture-  avec toute la gamme des techniques possibles laissées apparentes (pigments acryliques, pigments à l’huile, bombe de couleurs fluo, ajouts de craies, coulures, etc). Par sa technique et par ses sujets, elle évoque irrésistiblement la peinture de Marc Desgrandchamps, un autre maître de « la transparence et de l’évanescence ».

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Dans sa sensibilité et sa palette, le travail d’Estelle Contamin évoque en revanche un autre artiste, un écrivain, connu pour une seule œuvre, Alain-Fournier et le Grand Maulnes. Comme elle mais un siècle plus tôt, l’auteur a tourné autour de l’enfance pour chercher la meilleure façon de l’évoquer, à la fois dans ce qu’elle a d’enchanteur, mais aussi dans ce qu’elle suscite de nostalgie car elle s’éloigne de jour en jour. Estelle Contamin l’évoque en superposant les couches, comme Alain-Fournier le faisait en « superposant » le vocabulaire, changeant volontairement de vocable pour évoquer un lieu (défini tour à tour comme le château, la demeure, la maison, etc) ou un personnage.

Pour ces deux artistes, l’enfance est autant une époque qu’un lieu, un souvenir qu’une évocation, un sentiment qu’une palette de couleurs. Le plus souvent harmonieuse, mais toujours et à jamais inaccessible.  Texte : A.D

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Estelle Contamin est née en 1977 et a vécu son enfance en Normandie. Elle n’a rejoint le Sud qu’après ses études normandes et parisiennes. Après un Bac arts appliqués, elle poursuit par un cursus à l’école des arts appliqués Olivier de Serre, avant d’entrer dans la vie active dans des bureaux d’architecture et design. Décidée à se consacrer davantage à la peinture, elle complète sa formation par un passage par les Beaux-Arts de Toulouse avant de se consacrer aujourd’hui pleinement à la peinture depuis son atelier nîmois.

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