Emma Hyvernat

Chaque œuvre d’Emma Hyvernat crée d’étranges attelages où l’un suffit au deux. Ils sont construits par décalages, décadrages, pénétrations ou érections intempestives. Existent des discordances augurales à une autre vision de monde. Le corps (qu’il soit physique ou abstrait) est isolé dans l’espace : il  tient à égale distance les monstres et le ciel. L’exactitude et l’espacement  font éclater le compact. La légèreté est de mise mais sans supprimer la profondeur. Tout paraît ludique. Le jeu, l’écart accroissent la présence là où pourtant l’artiste cultive un certain vide et où silhouettes ou formes sont adossées au silence.

Existe toujours un souffle quelle que soit la technique choisie par la créatrice. De la terre au dessin elle réenchante le monde, le sort de sa glace, selon un érotisme toujours astucieusement voilé qui remonte des premiers émois. Chaque pièce « détachée » devient un mystère. Il est un espace mental mais pas seulement.  L’artiste se fait poétesse avide de toutes les techniques. Des formes complexes chevauchent des rigidités géométriques. Intérieur et extérieur deviennent un lieu unique, un passage dont le temps n’est plus le gardien.

Emma Emma Hyvernat suggère une fraîcheur et une joie. La lumière est intense, active ramène à des racines intimes qui prennent valeur de généralités. La suggestion reste le maître mot d’un travail attentif à la volupté et à une paradoxale précision qui ne se saisit pas forcément à première vue. Existent une offrande et une adresse. L’image reste à l’état d’essence d’une béatitude retenue. La créatrice la fait revenir afin de suggérer ce qui nourrit l’être depuis ses premiers âges. L’extase en restaure la demeure dans l’âge adulte où elle s’engourdit parfois. L’image devient donc une mémoire : non celle du temps passé mais infini.

Jean-Paul Gavard-Perret

Portrait de l’artiste en aimée et aimante: entretien avec l’artiste Emma Hyvernat

Emma Hyver­nat fait saillir de son tra­vail la fraî­cheur et une sorte de joie. La lumière - même noire — est intense, active ramène à des racines intimes qui prennent valeur de géné­ra­li­tés. La sug­ges­tion joue de la volupté et d’une para­doxale pré­ci­sion qui ne se sai­sit pas for­cé­ment à pre­mière vue. L’image reste à l’état d’essence : elle nour­rit l’être depuis ses pre­miers âges. L’artiste en recrée l’extase. L’image devient donc une mémoire : non celle du temps passé mais infini. Elle ne pré­sen­ti­fie pas sim­ple­ment du réel mais une sorte d’essence qui pro­gresse par esquisses. Son der­nier degré est le noir dans le corps de la lumière.

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Chaque jour est un jour nou­veau, alors peut-être la décou­verte du len­de­main, mais pour être tout à fait hon­nête, j’ai la chance de tra­vailler chez moi et de me lever quand je le sou­haite, donc je répon­drais plus quand mon cycle de som­meil est fini et que j’ai fini de rêver.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Ils sont tou­jours pré­sent car je me consi­dère encore comme une grande enfant, un peu comme Brel disait « il nous fallu bien du talent pour être vieux sans être adulte ». J’ai plein de rêves et ils viennent me nour­rir chaque jour, ils me font m’évader ailleurs dans un autre monde.

A quoi avez-vous renoncé ?
Serait-ce pré­ten­tieux de dire à rien ? Renon­cer signi­fie pour ma part aban­don­ner, ne pas atteindre son but. Je me bats, et je vis per­pé­tuel­le­ment pour avoir ce que je désire et réa­li­ser mes objectifs.

D’où venez-vous ?
De l’amour, de la ren­contre entre deux personnes.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
De l’amour, du sou­tien, une alliance.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
S’il n’y en avait qu’un ! Une chan­son par­ti­cu­lière, un bain chaud, un bon vin rouge, du cho­co­lat noir à l’orange, tout ceci au même moment, que de plai­sir !  Mais à l’heure actuelle, c’est voir mon fils bou­ger dans mon ventre, c’est fascinant !

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
Abso­lu­ment rien, je fais du des­sin, de la céra­mique, comme beau­coup, je galère pour vendre des pièces, comme beau­coup, dif­fi­cile de trou­ver les bonnes per­sonnes et les bonnes expos, comme beau­coup et j’en passe…
Abso­lu­ment tout, mon tra­vail est basé sur ce qui me nour­rit chaque jour, en soi ma vie tout sim­ple­ment, et je crois qu’elle est m’est propre.
Nous sommes tous simi­laires, mais tous uniques en soi.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Ques­tion très dif­fi­cile, le monde est rem­pli d’images, nous sommes les images de ce monde, nous pas­sons notre temps à faire des méta­phores, allé­go­ries et autre figures de styles, nous sommes enva­his par les images, tout autour de nous, nos yeux voient des images en continu.
Pour être pure­ment lit­té­rale, je répon­drais : ma pre­mière échographie.

Et votre pre­mière lec­ture ?
« Le Rouge et le Noir », Stendhal

Pour­quoi votre atti­rance pour les “déca­lages” ?
C’est un drôle de mot et c’est la pre­mière fois qu’on l’utilise pour par­ler de mon tra­vail. Déca­lage, oppo­si­tion entre deux matières, j’aime l’idée que deux enti­tés puissent se ren­con­trer et avoir un « dia­logue » ensemble, bien qu’elles soient com­plè­te­ment dif­fé­rentes. Le noir et le blanc, l’informe et la forme, la courbe et le droit, bref j’aime voir l’emprise égale­ment. Déca­lage, domi­na­tion ? Y a-t-il un domi­nant, une pos­ses­sion, une inva­sion par l’une de ses matières ?

Quelles musiques écoutez-vous ?
Abso­lu­ment de tout, du clas­sique à de la musique transe. J’ai un coup de cœur pour l’album Mez­za­nine de Mas­sive Attack.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
Plein ! Mais le recueil Illu­mi­na­tions, Une Sai­son en Enfer de Rim­baud me dit bien là, main­te­nant, de suite.

Quel film vous fait pleu­rer ?
Peu, ou plein j’ai la larme facile, pour de ces conne­ries par­fois. Bref, le der­nier Mai­ween, Mon Roi est pas mal dans le genre, mais l’incontournable pour mes yeux, One mil­lion dol­lars baby de Clint Eastwood.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une jeune femme qui tente d’être et d’exister en tant que plas­ti­cienne. Une jeune maman, aimée et aimante, et sur­tout très chan­ceuse.
Le Moi

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A mon père (Ah ‚ce cher Kafka !)

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
New York, Tokyo ! J’en rêve, ces villes me fas­cinent. Paris bien sûr, Saint-Benoît du Sault, un tout petit vil­lage dans l’Indre qui m’est très cher, Mont­mo­rillon, cité des écrits, Gour­don, petit vil­lage du sud magni­fique… tel­le­ment d’endroits sont mythiques, mer­veilleux “luxe, calme et volupté”.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Je vais plu­tôt citer des noms d’artistes dont j’aime le tra­vail, plu­tôt que de par­ler d’être proche de.
Je suis très sen­sible au magni­fique tra­vail De Myriam Mechita, qui me fait rêver m’évader ailleurs, c’est sim­ple­ment somp­tueux. J’aime l’humour éroti­sant d’Elsa Sahal, elle me fait rire avec ses formes et ses agen­ce­ments. Pierre Ardou­vin pour le coté déca­lage jus­te­ment. Nothomb, Rim­baud, Camus, Bau­de­laire, Kafka, Vian, dieu sait com­bien d’autres j’affectionne.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Rien, je ne sais pas, des ama­ryl­lis blanches.

Que défendez-vous ?
La liberté.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Son opposé, l’amour c’est don­ner quelque chose que l’on a à quelqu’un qui en veut, ou peut-être qu’il ne sait pas qu’il en veut, mais incons­ciem­ment qui ne désire pas l’amour ?
C’est beau, c’est vrai. J’aime.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ? »
J’adore, elle est par­faite pour la fin d’une interview !

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Com­ment allez-vous ? Merci à vous.

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 2 jan­vier 2016.

http://www.plagiarama.com/

Exposition Unheimlich, l'inquiétante étrangeté
Galerie Plagiarama,  rue Praetere, 1050 Bruxelles
Du 14 mars 2014 au 12 avril 2014
Vernissage le 13 Mars 2014 à 17h.

;) 

Silver Award 2014 Attribué à emma hyvernat

Née à Chateauroux (France),en 1990
Vie et travaille actuellement à Bruxelles (Belgique)

Formation:
École Nationale Supérieure de Limoges, France (2009-2013)
-DNAP avec mention
-Master1
École des Arts Visuels de la Cambre, Bruxelles, Belgique (2013-2014)
-Licence céramique

Exposition/
-Cout-circuit, 7 Delescluze, Limoges, France 2011
-Not for all the tea in China part 1, JCI, Jingdezhen, Chine 2012
-Not for all the tea in China part 2, Galerie la Vitrine, Limoges, France 2012
-Urbaka, Pavillon du Verdurier, Limoges, France, 2013
-Unheimlich, Galerie Plagiarama, Bruxelles, Belgique 2014
-Clay, Print, Space, TradeMart, La Cambre, Bruxelles, Belgique 2014