Orlando Marin Lopez

Je suis dessinateur depuis de nombreuses années mais j'ai récemment décidé de changer un peu de
discipline et me suis tourné vers un type de sculpture particulier.
J'ai toujours aimé la science et la recherche ainsi que l'art et la littérature.
J'ai réussi à combiner mes passions dans des "œuvres informatiques" qui sont des ordinateurs
sculpturaux fabriqués à partir d'ordinateurs portables récupérés. Ainsi, après être passés entre mes
mains, ces ordinateurs que pour certains je répare et qui sont tous fonctionnels, acquièrent une
esthétique très forte, quelque chose que je leur tire des entrailles.
C'est probablement parce que je viens de Paris et que le musée du centre Pompidou a une
esthétique qui m'a beaucoup influencé. Ce bâtiment dont Renzo Piano a choisi de faire ressortir les
structures internes qu’on avait l’habitude de cacher en-dedans.
Moi aussi, je vois une grande beauté dans les parties internes des ordinateurs, et je considère
qu'elles sont une merveille de design au même titre qu'une peinture peut être un miracle artistique.
Souvent, les gens n'apprécient pas le pouvoir esthétique des sciences et technologies à leur juste
valeur, car il existe une séparation illégitime entre le monde de la beauté régi par les arts et le
monde de la méthode régi par la science. J'espère construire plus de ponts entre ces deux univers
montrant à travers mes ordinateurs la nature esthétique qu'impliquent la science et les techniques.
Parce que la grande science demande du génie et que le génie est toujours une pensée traversée par
une vision esthétique.
Je considère mes ordinateurs artistiques comme des peintures ou des sculptures avec un but
esthétique dans un intérieur.
Mais en même temps, ce sont des ordinateurs fonctionnels et destinés à être utilisés
quotidiennement.
Je suis dans ma pratique de l’enseignement en ligne personnellement témoin de comment nous
passons de plus en plus de temps devant les écrans, que ce soit pour le travail ou les loisirs. Et je
suis sûr que nous tous qui travaillons beaucoup avec nos ordinateurs personnels finissons par avoir
une relation affective avec notre machine.
De plus, la vague de covid19 a favorisé une croissance intense du travail en ligne déjà bien
développé et, de plus en plus de gens travaillent à domicile devant leur ordinateur
Tout tend à nous conduire à une relation de plus en plus imbriquée avec nos ordinateurs.
Cela est souvent vécu comme un paradoxe, puisque les ordinateurs nous donnent une certaine
forme de liberté, nous permettant de travailler d’un endroit choisi et à l'heure que nous voulons,
mais en même temps nous nous sentons toujours plus otages de cet outil connecté et de la société
numérisée.
En sortant l'ordinateur de sa boîte et en exposant ses organes internes, j'entends initier deux
mouvements, le premier est esthétique comme je viens de le décrire. Le second est un mouvement
de connaissance, ou familiarisation, ou dédramatisation.
Pour de nombreux utilisateurs, un ordinateur fonctionne comme une boîte magique, car ils ont peu
ou pas de connaissances sur son fonctionnement interne. Il s'avère donc que la plus grande crainte à
propos d'un ordinateur est qu'il tombe en panne. Mais c'est une crainte due à l'ignorance des
ordinateurs, puisqu'en en apprenant un peu sur leur architecture, on découvre que presque tous leurs
composants sont interchangeables.
C'est ainsi qu'un travail d'objectivation se fait sur l'objet qui n'est plus sacré et qui peut être
apprécié à sa juste valeur pour la prouesse technologique qu'il représente et la beauté que cette
technique implique.
Je veux enfin souligner un fait très intéressant de ce travail. Le plus gros problème avec les
ordinateurs, en particulier les ordinateurs portables – et un problème avec les machines en général –
est la surchauffe.
Les ordinateurs sont équipés de systèmes de régulation de température sophistiqués pour éviter la
surchauffe de leurs composants sensibles et les dommages irréversibles qui pourraient résulter de
cet excès de chaleur. L'ordinateur adapte donc constamment ses efforts à sa propre température.
Il est quelque peu ironique qu'en les sortant de leur boîte et en montrant leur mécanisme que les
fabricants cherchent à cacher – principalement pour des raisons d’ergonomie et de transport,
l'ordinateur gagne beaucoup en efficacité en éliminant la grande majorité des problèmes de chaleur
excessive.
Ainsi, les ordinateurs faits sculptures sont plus rapides et plus efficaces que lorsqu'ils étaient dans
leur carcasse.
En leur donnant de l'air, on leur donne aussi de la vie.
Ce projet comporte deux aspects en plus de l'aspect artistique.
Ce sont des œuvres à vocation utilitaire, donc aussi à vocation commerciale.
Ce sont des œuvres pédagogiques, à vocation écologique, car en connaissant un peu la mécanique
d'un ordinateur je veux inciter le public à aborder de manière plus intelligente et soutenable
l'utilisation et la consommation de ces machines spéciales qui ont pris une place prépondérantes
dans nos vies.