Automate N° 7 "Lud Aster" (1994) Sculpture by Frédéric Letrun

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Automate N° 7. Inox, bronze , laiton, aluminium, verre et acajou. Taille humaine. *** Il avait dix-huit ans lorsqu’il s’est pointé sur la station. Moi, sur le point de naître, j’étais en « kit ». Je mesurais vingt-quatre centimètres, une taille normale, car je n’étais qu’une tête sans corps. Je n’étais qu’un crâne en poly-2-k avec une[...]
Automate N° 7. Inox, bronze , laiton, aluminium, verre et acajou. Taille humaine.
***
Il avait dix-huit ans lorsqu’il s’est pointé sur la station. Moi, sur le point de naître, j’étais en « kit ». Je mesurais vingt-quatre centimètres, une taille normale, car je n’étais qu’une tête sans corps. Je n’étais qu’un crâne en poly-2-k avec une mémoire micro-fils 1, dernière trouvaille du professeur Glückstern. Et j’en avais déjà par-dessus la tête d’attendre que l’on daigne m’assembler. Je n’étais pas le seul dans ce cas : j’avais deux amis-têtes dans la cloche à gaz pla-100-A. On était bavards, inquiets, turbulents. On s’appelait « les frères K-youx ». Il y avait Brik Dur, mon voisin d’oreille droite, futur comique. Doté d’une infatigable mémoire micro-fils-a, il n’arrêtait jamais de plaisanter. En revanche, celui de gauche était taciturne; Feld Spath avait une tête en forme d’œuf et on passait notre temps à le chambrer. Il en riait. Ses capacités cérébrales m’impressionnaient. En fait, il savait parfaitement ce qu’on pensait de lui. Sa mémoire micro-fils-s le prédestinait à une longue carrière de télépathe.
Parce que moi, Lud Aster, je les soûlais avec mes histoires de planètes, les frères K-youx me surnommaient Aster Oïde. Oui, je rêvais déjà de traverser la Galaxie. Aller d’astre en astre. Mais par-dessus tout, je rêvais de découvrir les joyaux de la Terre et de m’en imprégner. Rien n’égalait cette envie. « Vivre sur la grande Bleue » était l’inlassable phrase qui animait mon existence. Forcément : ma mémoire micro fils-1 me prédestinait à la science et à la musique. Sans conteste, la grande Bleue était de loin la souveraine égérie.
Le temps s’avérait interminable sous cette cloche à gaz pla-100-A. J’y collectionnais les cauchemars. Les plus fréquents étaient ceux où j’y passais ma vie. Parfois, on me saisissait comme un boulet et on m’introduisait dans la bouche d’un canon. Une fois, j’ai même rouillé dans l’oubli et me suis effrité avec les frères K-youx. Nous nous racontions nos nombreux rêves. Ils nous ramenaient toujours à la réalité; à l’autre bout du laboratoire, nous voyions un tas de proto-corps décapités : nos futurs membres en attente de biosoudures. Tous les trois languissions après un ou une adoptant (e) humain (e). Mes deux amis-têtes ont rapidement trouvé une famille : Brik Dur est le bouffon attitré d’une actrice. Feld Spath, lui, travaille pour la justice. Je suis donc resté seul, un petit moment. Dans ma tête, un flot de projets scientifiques et artistiques commençait à fleurir.
Mademoiselle Uranie, la charmante laborantine qui s’occupait de moi, m’a parlé d’un éventuel adoptant. Je me rappelle ses paroles lorsqu’elle a ouvert la cloche à gaz pla-100-A pour me l’annoncer. Ses lèvres embaumaient la cerise, sa voix était heureuse : « Il s’agit d’un très jeune astronome. Un certain Mister Look en provenance de la Terre. Il est musicien aussi. On prétend qu’il est l’un des plus jeunes prodiges de l’orchestration. Un inventeur de sons. Ses œuvres connaissent déjà un franc succès. J’espère que vous lui plairez ! » Invité par le professeur Glückstern, le talentueux Mister Look venait parfaire son savoir sur l’O-17. Il y venait aussi parce que, effectivement, il avait décidé d’adopter un biodroïde pour le seconder dans ses travaux.
Le jour où Mister Look est apparu, les mains de mademoiselle Uranie ont frémi; ce jour-là, pour la première fois, j’ai vu une lueur d’exaltation humidifier ses prunelles; et un nuage d’émotion rougir ses pommettes.
Le lendemain de son arrivée, Mister a fait sa deuxième apparition dans le laboratoire des K-youx. Il était seul et faisait les quatre cents pas autour de la cloche à gaz pla-100-A. « Je suis Mister Look. Le professeur Glückstern m’a fixé rendez-vous ici », m’a-t-il dit. Sur le coup, si j’avais eu un corps, des jambes, des bras, j’aurais sauté de joie. Malgré tout, ma tête immobile avait l’impression d’être une balle bondissant d’allégresse. La phrase lancée par Mister Look n’avait rien de banal; elle était une confirmation; la bonne nouvelle que j’attendais. Son choix paraissait définitif : il m’avait choisi. Le but de son rendez-vous avec le professeur était clair. Ils allaient sortir ma tête de la cloche et l’accrocher à un corps. Le professeur Glückstern, qui avait la lourde responsabilité de commander l’O-17, ne se déplaçait jamais pour assister au montage d’un nouveau biodroïde. Il préférait se confiner dans son Amphi de Persée et inventer de nouvelles mémoires. Mais ce jour-là, il a rejoint Mister Look. Mélomane averti, le professeur appréciait le talent avant-gardiste de son invité d’honneur. Il le considérait déjà comme s’il avait été Mozart, Von Zug, ou Blue-Man.
Tous deux m’ont sorti de la cloche à gaz pla-100-A. Nous avons fait connaissance pendant l’opération. Puis le miracle s’est produit. Ils m’ont bioboulonné les jambes. Je me suis levé. J’ai fait mes premiers pas. À l’âge de deux jours, ils m’ont biosoudé les bras; j’ai enfin serré la main de Mister ; nous étions amis. « Pour longtemps », m’a-t-il certifié. Le troisième jour, je devenais autonome.
Je ressentais de l’admiration pour les humains. Ils m’avaient gratifié d’une vie. Elle avait beau être artificielle, j’étais tout feu tout flamme. Tout me captivait. À une semaine, ma mémoire micro fils 1 connaissait la Terre… Virtuellement. Le savant Glückstern m’avait pourvu de la biopuce artifiss. Grâce à elle, je sillonnais ses continents, explorais ses océans. Mais ces visions n’étaient que du vent; que des mirages cruels. Ceux qui avaient réellement vécu sur la grande Bleue me subjuguaient. « Ses couleurs, ses saisons, sa musique, quoi de plus miraculeux ? »
Je rêvais de la fouler, mais je devais patienter. Il y avait une loi stricte concernant les biodroïdes nés sur l’O-17 : ils devaient y travailler cinq ans afin d’obtenir un doctorat. Alors, sous les conseils du professeur, et pour répondre aux exigences de Mister, j’ai choisi la section Recherche en intelligence artificielle. Non seulement Mister attendait de son coéquipier « Lud' » qu’il fût un jour capable de fabriquer une équipe de robots serviables, mais encore qu’il inventât une machine à musique à la hauteur de ses ambitions de jeune chef d’orchestre-astronome.

Extrait de «La Météorite enchantée» - Frédéric Letrun

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Atoms, Earth, Galaxy… My artistic approach is a humble tribute to life, a contemplative, happy and rich passion, which twirls between the infinitely small and the infinitely large. Alongside the intoxicating[...]

Atoms, Earth, Galaxy…
My artistic approach is a humble tribute to life, a contemplative, happy and rich passion, which twirls between the infinitely small and the infinitely large. Alongside the intoxicating and beneficial questions about our place in the Universe, I try to revere Nature through painting and animated sculpture. I use science and imagination as mediums to create poetic interactions between universal mechanics and cosmology.

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