Bernard Levy
stroll, dream... and share emotions
22 artworks by Bernard Levy (Selection)
BAUMETTES, graffiti sous surveillance • 22 artworks
Le graffiti "captif" témoigne du temps qui passe, celui d'une vie recluse écorchée par la solitude,[...]
Le graffiti "captif" témoigne du temps qui passe, celui d'une vie recluse écorchée par la solitude, la souffrance, l'exclusion.
Ces dessins et ces tags, ces écrits surgis de l'ombre, presque de nulle part, interpellent le visiteur, toujours un intrus dans cet univers en marge.
Dans la prison, le graffiti fait corps et écho avec toute surface sensible. Avec les portes que l'on a refermées, les murs hostiles qui oppressent, le plafond blafard, et parfois le mobilier vétuste de la cellule. Le graffiti s'affiche et brave l'interdit. Il s’affirme transgressif.
Le graffiti s'expose alors doublement. En tant qu'élément artistique sur un support, mais aussi aux sanctions disciplinaires. Il s'expose néanmoins, malgré tout et contre tous.
Le graffiti, ce sera ce cri étouffé dans un bâillon que l'on desserre, une griffure, une cicatrice profonde faite dans un mur de béton tatoué et lacéré, telle une scarification.
Le graffiti, c’est un message que l'on délivre dans un contexte, des décors, un environnement singuliers. Un fil conducteur que l'on déroule avec des pétroglyphes, un récit narratif et synthétique que l'on façonne en couches successives et après bien d'autres naufragés solitaires sur le grand mur palimpseste de l'enfermement et qui vient témoigner, tel un journal de bord intime, d'une chute annoncée.
Les souvenirs se mêlent au quotidien, aux projets, et la rage de subir au désir. Les regrets à la provocation, l'ambition retrouvée à la sidération et à l'abandon. L'outrage, l'obscénité et l'arrogance, au rêve et à la poésie.
Le temps carcéral, imperturbable, impose les rythmes de la vie en détention et dévoile le canevas du récit. Et on s'accroche dans la solitude à ces fils ténus de la vie pour ne pas retomber.
Alors, on réaffirme ses origines, l'attachement à ses proches, au groupe social, à la cité, au quartier. Le graffiti est revendiqué, identitaire. On veut ne pas perdre ses repères et on tente de résister. Cette volonté de résister révélée par le graffiti, c’est un message récurrent que l’on délivre dans un univers provisoire et marginal. Une résistance malgré le doute et l'incertitude, une résistance à un environnement hostile, une résistance à l'institution pénitentiaire.
On retrace alors un itinéraire de vie chaotique qui s'inscrit dans la subjectivité du personnage devenu détenu, mais acteur lucide dans un cadre contraint et confiné.
Le graffiti des prisons associe un marqueur identitaire et un traceur existentiel qui prolongent dans le récit, réalité et fiction. Ce graffiti est un compagnon de route solidaire qui raconte une histoire. La sienne.
Il rend compte d'une urgence d’écriture et de ce passage à l'acte transgressif. Son auteur libère et transfère des émotions enfouies. Avec ces inscriptions sur les différents supports, c'est bien une délivrance que la personne détenue exprime.
Les mots claquent, les images jaillissent et bientôt prend forme ce mécanisme projectif à l'état brut sur la matière, pour rappeler à la personne détenue l'état de sa condition.
Cette projection est mise en oeuvre avec les moyens du bord et d’infortune. Le canif à bout rond, une dent de fourchette usagée remplacent la bombe aérosol et le pochoir. Le stylo du paquetage se substitue au pinceau et à la palette de couleurs. Ici pas de crew, pas de lettrage stylisé, pas de tag pour marquer un territoire et imposer son art underground, et personne ne cantine Molotow ou Montana.
Ce graffiti de circonstance, imposé par le cadre carcéral, est celui d'un contexte. L'environnement apparaît déterminant au point de caractériser parfois l’existence d’un graffiti vernaculaire au regard des points de convergence réitératifs.
Mais ce graffiti très particulier sera surtout et selon le cas, contestataire, protestataire, identitaire. Et parfois, un peu tout cela.
Cet art pariétal emprunte au graffiti de rue et au graffiti underground par son caractère illicite et éphémère, révolté et subversif ou marqué par la dérision.
Le graffiti des prisons s’avère donc complexe quand on se propose de l'analyser. Il ne peut pas être réduit à une catégorie homogène, absorbant de manière générique à la fois la forme, le fond et la matière. Avec le risque de la confusion et des clichés.
Cette production disparate offre in situ matière à réflexion, nous suggère de multiples lectures, analyses croisées et interprétations. La prison est bien identifiée par sa fonction, mais la production reste hétérogène. La prison est un capteur d’opportunités et le personnage captif demeure en définitive seul maître du jeu pour décider du choix des contenus et des formes et de son intervention dans ce lieu déterminé.
C'est donc par sa diversité mais aussi pour en dégager le sens, par la réitération de dessins, tags, idéogrammes, inscriptions génératrices de slogans, que le graffiti des prisons ouvre la voie aux recherches en sciences humaines et en sciences sociales, et nous propose des passerelles.
Ce graffiti convoque alors pour les faire dialoguer au gré des rencontres l'anthropologie sociale et l'ethnographie, l'histoire, la sociologie des organisations, la criminologie et la science pénitentiaire, la politologie, la poétique et l'esthétique, l'histoire de l'art. Mais aussi la philosophie, la littérature, l'architecture, la sémantique, l’archivistique. Sans oublier la photographie qui donne à voir et oscille, figurative et documentaire pour délivrer une « information » ou bien conceptuelle, interprétative et esthétique pour constituer un corpus artistique.
Le graffiti des prisons, en tant qu'expression et représentation de la condition carcérale, rend nécessaire la connaissance préalable du terrain et de la "scène carcérale". Qu'elle soit documentée par le texte ou par l'image. Car le plus souvent, ce travail de recherche et d'investigation sera réalisé post mortem, dans le silence d'un site abandonné devenu friche, amputé de toute mémoire vivante pour témoigner et nourrir une réflexion, même marquée par la subjectivité du récit. Et chaque prison a son histoire et ses publics, ses règlements et ses usages, parfois une réputation.
Le graffiti, signe et stigmate, se présente ainsi avant tout comme un marqueur sous influence.
Tout travail de décryptage doit être entrepris avec méthode. Afin de ne pas détourner le sens, recomposer la scène et les décors, écrire une nouvelle page romancée de la prison, ou tenter une aventureuse narration hypothético-déductive. Le point d’équilibre reste donc fragile pour présenter le contexte de cette expression, de ces émotions, en évitant l’écueil d’une prise de position préalable et idéologique.
Dans le miroir de la société ces lueurs de l'âme, telles des lucioles égarées tentent une réflexion. Ce graffiti ravive le souvenir des corps emprisonnés dans le temps et dans l'espace, bien déterminés. Il réfléchit des images, celles d'un vécu et raconte des histoires d’hommes et de femmes égarés qui sont passés par là, à un moment perdu de leur vie.
Ce graffiti souvent disqualifié, ignoré et relégué mériterait donc une valorisation dont il a été longtemps privé.
Il y aurait même une situation d'urgence à relever. Les travaux d’entretien immobilier, les chantiers de rénovation, les démolitions de prisons vétustes viennent hypothéquer la reconnaissance et la conservation de ce graffiti ainsi que le travail de mémoire sur les lieux de détention.
Sans préservation et sans inventaire, c'est une page méconnue de notre histoire pénale et pénitentiaire que l'on tourne avec indifférence et un fragment de notre patrimoine judiciaire et pénitentiaire qu’on laisse disparaître.
Mais pour l'instant, dans ces images et ces légendes qui les accompagnent, c'est bien aux Baumettes que chacun nous raconte son histoire ...
Bernard LEVY
introduction à « Baumettes, graffiti sous surveillance ». Septembre 2019
in " Baumettes, la mémoire de l'ombre " (exposition photographique à Marseille-Baumettes du 18 septembre au 30 novembre 2019)
collection privée et monographique de 650 graffiti de prisons
Ces dessins et ces tags, ces écrits surgis de l'ombre, presque de nulle part, interpellent le visiteur, toujours un intrus dans cet univers en marge.
Dans la prison, le graffiti fait corps et écho avec toute surface sensible. Avec les portes que l'on a refermées, les murs hostiles qui oppressent, le plafond blafard, et parfois le mobilier vétuste de la cellule. Le graffiti s'affiche et brave l'interdit. Il s’affirme transgressif.
Le graffiti s'expose alors doublement. En tant qu'élément artistique sur un support, mais aussi aux sanctions disciplinaires. Il s'expose néanmoins, malgré tout et contre tous.
Le graffiti, ce sera ce cri étouffé dans un bâillon que l'on desserre, une griffure, une cicatrice profonde faite dans un mur de béton tatoué et lacéré, telle une scarification.
Le graffiti, c’est un message que l'on délivre dans un contexte, des décors, un environnement singuliers. Un fil conducteur que l'on déroule avec des pétroglyphes, un récit narratif et synthétique que l'on façonne en couches successives et après bien d'autres naufragés solitaires sur le grand mur palimpseste de l'enfermement et qui vient témoigner, tel un journal de bord intime, d'une chute annoncée.
Les souvenirs se mêlent au quotidien, aux projets, et la rage de subir au désir. Les regrets à la provocation, l'ambition retrouvée à la sidération et à l'abandon. L'outrage, l'obscénité et l'arrogance, au rêve et à la poésie.
Le temps carcéral, imperturbable, impose les rythmes de la vie en détention et dévoile le canevas du récit. Et on s'accroche dans la solitude à ces fils ténus de la vie pour ne pas retomber.
Alors, on réaffirme ses origines, l'attachement à ses proches, au groupe social, à la cité, au quartier. Le graffiti est revendiqué, identitaire. On veut ne pas perdre ses repères et on tente de résister. Cette volonté de résister révélée par le graffiti, c’est un message récurrent que l’on délivre dans un univers provisoire et marginal. Une résistance malgré le doute et l'incertitude, une résistance à un environnement hostile, une résistance à l'institution pénitentiaire.
On retrace alors un itinéraire de vie chaotique qui s'inscrit dans la subjectivité du personnage devenu détenu, mais acteur lucide dans un cadre contraint et confiné.
Le graffiti des prisons associe un marqueur identitaire et un traceur existentiel qui prolongent dans le récit, réalité et fiction. Ce graffiti est un compagnon de route solidaire qui raconte une histoire. La sienne.
Il rend compte d'une urgence d’écriture et de ce passage à l'acte transgressif. Son auteur libère et transfère des émotions enfouies. Avec ces inscriptions sur les différents supports, c'est bien une délivrance que la personne détenue exprime.
Les mots claquent, les images jaillissent et bientôt prend forme ce mécanisme projectif à l'état brut sur la matière, pour rappeler à la personne détenue l'état de sa condition.
Cette projection est mise en oeuvre avec les moyens du bord et d’infortune. Le canif à bout rond, une dent de fourchette usagée remplacent la bombe aérosol et le pochoir. Le stylo du paquetage se substitue au pinceau et à la palette de couleurs. Ici pas de crew, pas de lettrage stylisé, pas de tag pour marquer un territoire et imposer son art underground, et personne ne cantine Molotow ou Montana.
Ce graffiti de circonstance, imposé par le cadre carcéral, est celui d'un contexte. L'environnement apparaît déterminant au point de caractériser parfois l’existence d’un graffiti vernaculaire au regard des points de convergence réitératifs.
Mais ce graffiti très particulier sera surtout et selon le cas, contestataire, protestataire, identitaire. Et parfois, un peu tout cela.
Cet art pariétal emprunte au graffiti de rue et au graffiti underground par son caractère illicite et éphémère, révolté et subversif ou marqué par la dérision.
Le graffiti des prisons s’avère donc complexe quand on se propose de l'analyser. Il ne peut pas être réduit à une catégorie homogène, absorbant de manière générique à la fois la forme, le fond et la matière. Avec le risque de la confusion et des clichés.
Cette production disparate offre in situ matière à réflexion, nous suggère de multiples lectures, analyses croisées et interprétations. La prison est bien identifiée par sa fonction, mais la production reste hétérogène. La prison est un capteur d’opportunités et le personnage captif demeure en définitive seul maître du jeu pour décider du choix des contenus et des formes et de son intervention dans ce lieu déterminé.
C'est donc par sa diversité mais aussi pour en dégager le sens, par la réitération de dessins, tags, idéogrammes, inscriptions génératrices de slogans, que le graffiti des prisons ouvre la voie aux recherches en sciences humaines et en sciences sociales, et nous propose des passerelles.
Ce graffiti convoque alors pour les faire dialoguer au gré des rencontres l'anthropologie sociale et l'ethnographie, l'histoire, la sociologie des organisations, la criminologie et la science pénitentiaire, la politologie, la poétique et l'esthétique, l'histoire de l'art. Mais aussi la philosophie, la littérature, l'architecture, la sémantique, l’archivistique. Sans oublier la photographie qui donne à voir et oscille, figurative et documentaire pour délivrer une « information » ou bien conceptuelle, interprétative et esthétique pour constituer un corpus artistique.
Le graffiti des prisons, en tant qu'expression et représentation de la condition carcérale, rend nécessaire la connaissance préalable du terrain et de la "scène carcérale". Qu'elle soit documentée par le texte ou par l'image. Car le plus souvent, ce travail de recherche et d'investigation sera réalisé post mortem, dans le silence d'un site abandonné devenu friche, amputé de toute mémoire vivante pour témoigner et nourrir une réflexion, même marquée par la subjectivité du récit. Et chaque prison a son histoire et ses publics, ses règlements et ses usages, parfois une réputation.
Le graffiti, signe et stigmate, se présente ainsi avant tout comme un marqueur sous influence.
Tout travail de décryptage doit être entrepris avec méthode. Afin de ne pas détourner le sens, recomposer la scène et les décors, écrire une nouvelle page romancée de la prison, ou tenter une aventureuse narration hypothético-déductive. Le point d’équilibre reste donc fragile pour présenter le contexte de cette expression, de ces émotions, en évitant l’écueil d’une prise de position préalable et idéologique.
Dans le miroir de la société ces lueurs de l'âme, telles des lucioles égarées tentent une réflexion. Ce graffiti ravive le souvenir des corps emprisonnés dans le temps et dans l'espace, bien déterminés. Il réfléchit des images, celles d'un vécu et raconte des histoires d’hommes et de femmes égarés qui sont passés par là, à un moment perdu de leur vie.
Ce graffiti souvent disqualifié, ignoré et relégué mériterait donc une valorisation dont il a été longtemps privé.
Il y aurait même une situation d'urgence à relever. Les travaux d’entretien immobilier, les chantiers de rénovation, les démolitions de prisons vétustes viennent hypothéquer la reconnaissance et la conservation de ce graffiti ainsi que le travail de mémoire sur les lieux de détention.
Sans préservation et sans inventaire, c'est une page méconnue de notre histoire pénale et pénitentiaire que l'on tourne avec indifférence et un fragment de notre patrimoine judiciaire et pénitentiaire qu’on laisse disparaître.
Mais pour l'instant, dans ces images et ces légendes qui les accompagnent, c'est bien aux Baumettes que chacun nous raconte son histoire ...
Bernard LEVY
introduction à « Baumettes, graffiti sous surveillance ». Septembre 2019
in " Baumettes, la mémoire de l'ombre " (exposition photographique à Marseille-Baumettes du 18 septembre au 30 novembre 2019)
collection privée et monographique de 650 graffiti de prisons
"un adieu aux Baumettes !"
Not For Sale
"Baumeta, la grotte engloutie ... (no sale)"
Photography
Not For Sale
"les graffiti des Baumettes # 14 (no sale)"
Photography
Not For Sale
"les graffiti des Baumettes # 19 (no sale)"
Photography
Not For Sale
"les graffiti des Baumettes # 23 (no sale)"
Photography
Not For Sale
"les graffiti des Baumettes # 27 (no sale)"
Photography
Not For Sale
"la prison des Baumettes à Marseille #01"
Photography
Not For Sale
"les graffiti des Baumettes # 11 (no sale)"
Photography
Not For Sale
"les graffiti des Baumettes # 15 (no sale)"
Photography
Not For Sale
"les graffiti des Baumettes # 20 (no sale)"
Photography
Not For Sale
"les graffiti des Baumettes # 24 (no sale)"
Photography
Not For Sale
"les graffiti des Baumettes # 28 (no sale)"
Photography
Not For Sale
"la prison des Baumettes à Marseille #02"
Photography
Not For Sale
"les graffiti des Baumettes # 12 (no sale)"
Photography
Not For Sale
"les graffiti des Baumettes # 16 (no sale)"
Photography
Not For Sale
"les graffiti des Baumettes #21 (no sale)"
Photography
Not For Sale
"les graffiti des Baumettes # 25 (no sale)"
Photography
Not For Sale
"les graffiti des Baumettes # 10 (no sale)"
Photography
Not For Sale
"les graffiti des Baumettes # 13 (no sale)"
Photography
Not For Sale
"les graffiti des Baumettes # 18 (no sale)"
Photography
Not For Sale
"les graffiti des Baumettes # 22 (no sale)"
Photography
Not For Sale
"les graffiti des Baumettes # 26 (no sale)"
Photography
Not For Sale
Contact Bernard Levy
Send a private message to Bernard Levy