Ajouté le 27 déc. 2007
Pour Carol encore,
Face à l’évidence de l’œuvre, les mots sonnent toujours comme approximatifs.
Y revenir à nouveau, favorise fatalement la redite indigeste.
Comment dire ces colères, ces révoltes enfouies sous la maîtrise de ces sculptures: il y faudrait la violence d’un poète, celui-là même qu’est Lavoie, dans sa discrétion, dans sa liberté.
Face à la médiocrité du monde, la parole confisquée par la correction anesthésiante du discours, l’obsession moderne de communication ruine tout espoir de rendre compte d’une expérience qui, à travers la pluralité de moyens, mots, papiers, ferrailles, s’organise pour échapper à toute normalisation.
La sculpture s’érige contre l’air du temps qui sent trop la pollution du consensus; et elle se propose par l’insistance d’une âpreté moderne, dans le dérangement des catégorisations.
Elle en ruine, littéralement, les contours, les brise, les efface, dans l’urgence d’une rage contre le conventionnel, où l’on s’abîme.
De l’insupportable donc, enfin. C’est-à-dire une essence de la représentation, quand elle fonctionne à nous contraindre à voir au lieu de nous aveugler derrière la sophistication de ses protocoles.
Insupportable aussi, la fonction de l’œuvre quand, partageant sa douleur, émiettant son motif, elle affecte l’habituel regard du spectateur, refusant de le divertir, pour mieux le concerner.
La rencontre en œuvres, de l’image, de l’objet, du signe, du mot, de la matière, de la trace, à travers l’invention formelle d’un espace singulier, de sa rupture (diérèse), de sa recomposition, dans la générosité de la profusion.
Le mélange, mixage des savoirs, des émotions, des contraires, met en œuvre l’oxymorique, noir et blanc en couleurs, désordre ordonné, les fragments qui font tout, un joyeux désespoir.
La leçon est aussi morale, quand tant nous accablent de leçons de morale.
Vu de loin, dans une proximité de solitudes, familiers de la mort dont les œuvres sont parties.
Alain Lestié