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Retour à la liste Ajouté le 19 déc. 2017

Un cerf-volant sans fil : Galerie de portraits

Pierre Soulages

Le grand maître des outrenoirs au musée des couleurs…

 

"Le noir est antérieur à la lumière. Avant la lumière, le monde et les choses étaient dans la plus totale obscurité. Avec la lumière sont nées les couleurs." Pierre Soulages

 

Tout est dit. Pour que naissent les couleurs, il a fallu incandescence et combustion. Le noir, c'est le repos, le grand calme. Oui. Le noir est bien antérieur à la lumière et entre Pierre Soulages et le Musée Fabre, l'histoire est aussi belle qu'ancienne. 

 

Le grand peintre français découvre le grand musée montpelliérain en 1941. Né à Rodez, Pierre Soulages a présenté les Beaux-Arts à Paris et il y a été admis, mais très vite, il déchante. Il n'est pas convaincu par l'enseignement qu'on lui y propose. La guerre éclate, il n'a pas 20 ans. Il est mobilisé en 40, démobilisé en 1941 et c'est alors qu'il arrive à Montpellier. L'art comme un refuge… "J'ai beaucoup aimé Montpellier", dira-t-il, " et la première chose que j'ai faite c'est de courir au musée Fabre. Je suis venu des dizaines et des dizaines de fois, chaque fois que je pouvais d'ailleurs, au fond c'est le musée que je connais le mieux de tous les musées de France."

 

Trois décennies plus tard, l'oeuvre de Soulages reconnu peintre entre au musée Fabre. Le musée National d'Art Moderne y dépose en 1977 une première toile, Peinture, 15 août 1956. 

C'est un peu avant que Soulages n'expose au Centre Georges Pompidou ses premières peintures monopigmentaires exprimant la réflexion de la lumière sur les surfaces noires. La juxtaposition de deux obscurités révèle une lumière picturale tout à fait remarquable qui, dénommée "noir-lumière" ou encore  "outrenoir" deviendra la signature de Soulages, l'empreinte de son oeuvre.

 

Pendant que la renommée internationale du grand maître abstrait s'affirme de par le monde, le  musée Fabre s'enrichit d'une nouvelle de ses oeuvres déposée par le Fonds Régional d'Art Contemporain en 1996, avant que la Ville de Montpellier ne fasse l'acquisition de deux autres oeuvres en 1998. 

Dans les années 2000, Montpellier Agglomération entreprend la restructuration du musée Fabre. Pierre Soulages, membre du jury du concours international d’architecture, va être naturellement, mais surtout directement impliqué à la conception du nouveau musée.

On peut trouver dans les archives de l'Ina une interview qu'il a accordé au poète Jean Daive à l'occasion de l'inauguration des salles qui lui ont été attribuées en 2007. Il y raconte comment Georges Frèche, alors maire de la ville, est venu le trouver pour lui proposer d'ouvrir un musée Soulages à Montpellier. Mais le peintre a des réticences, ou plutôt d'autres aspirations...

" Il m'a tout de même montré plusieurs bâtiments que j'ai refusé par principe mais nous avons quand même visité l'ancienne mairie, une prison de femmes, enfin plusieurs locaux, plusieurs lieux. Et je refusais à chaque fois, je lui ai dit : "non je préfère associer quelques peintures de moi à une collection déjà existante". Il me dit : "ah vous voulez parler du musée Fabre... ". Musée Fabre pourquoi pas."

SOULAGES Pierre ( Rodez, 1919 ), Peinture, 162 x 114 cm, 28 décembre 1959

 

L'histoire devient belle… 

 

 Sauf que le musée Fabre est plein et qu'à priori, on ne peut rien y faire… C'est ce que Georges Frèche entreprend d'expliquer à Soulages. On imagine les deux hommes qui arpentent à grands pas les larges allées dans le parc de ce magnifique hôtel particulier XVII ème qui abrite le musée, ouvert sur l'esplanade à deux pas de la place de la Comédie...

" Et lorsqu'il m'a emmené ici" raconte le peintre, "il y avait dans l'emplacement de ce bâtiment une cour avec des gradins qui servaient à des spectacles de danse. Et c'est à ce moment que je lui dis : "mais là c'est un espace où on peut construire un bâtiment". Il me dit : "Vous pensez qu'on peut faire un bâtiment là ? ". Je lui dis : "Sûrement mais enfin il faudra déplacer la danse". 

"Ah oui mais là si on fait un bâtiment au fond, on pourrait peut-être associer à ce bâtiment l'ancienne bibliothèque et puis l'ancienne école des beaux-arts". Je lui dis que ce serait un grand ensemble, et ça permettrait aussi d'ouvrir ce musée à des peintres plus jeunes que moi. Et c'est ce que se passe. Alors moi je dis toujours que je suis très heureux de voir mes toiles à côté de la collection du musée Fabre, prestigieuse, mais aussi très content de les voir à côté d'artistes plus jeunes que j'ai connu d'ailleurs débutants. Certains sont venus me voir, j'en ai rencontré d'autres dans des expositions de jeunes peintres."

 

Cette ouverture à la jeunesse, cette générosité, se lisent tout au long des 600 m2 de surface d'exposition dédiés au maître et à ce qui représente encore aujourd'hui son plus important fond d'oeuvres dans une collection publique autre que son musée de Rodez. 

Les deux salles consacrées à Soulages au Musée Fabre couvrent l'ensemble de son oeuvre de 1951 à nos jours à travers 20 toiles emblématiques offertes par le peintre parmi lesquelles des œuvres majeures des années 1960, deux grands outrenoir des années 1970 et plusieurs grands polyptyques.

 

Auxquels se sont ajoutés en 2013, un polyptyque de 2012 intitulé sobrement Peinture 181 x 405 cm, acrylique sur toile acquise par la Fondation d’entreprise du musée Fabre qui en a fait don au musée et deux autres oeuvres prêtées par l’artiste, Peinture 202 x 143 cm, 14 septembre 2004 et Peinture 324 x 181 cm, 31 juillet 2010.

 

Pierre Soulages est sans conteste à ce jour le plus grand peintre français vivant.

Entre 1994 et 1997, il a réalisé les admirables vitraux de l'abbatiale de Conques, 104 trouées de lumière translucide et changeante pour ce chef d'oeuvre de l'art roman inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco.

230 oeuvres du Maître français, le premier à être exposé de son vivant à l'Ermitage de Saint-Pétersbourg, sont présentes à ce jour dans plus de 110 musées à travers le monde.

 

Enfin une donation exceptionnelle consentie à la Communauté d’agglomération du Grand Rodez en 2005 par le peintre et son épouse, 500 pièces, gravures (eaux-fortes, lithographies, sérigraphies), esquisses des vitraux de Conques, peintures sur toile et sur papier (gouaches, encres et brous de noix), et de la documentation, des livres, des photographies, des films, des correspondances… à laquelle s'est adjointe une seconde en 2012 avec 14 nouvelles peintures couvrant la période de 1946 à 1986 et estimée à 6,8 millions d’euros, ont permis l'ouverture en 2014 du Musée Soulages à Rodez. La magnifique et très imposante bâtisse abrite à ce jour la plus grande collection de Soulages dans le monde.

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