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Sonia Gargouri

Retour à la liste Ajouté le 22 sept. 2009

Interview solidaire

07 mars 2012
Interview, Journée de la femme



- La Tunisie est-elle votre patrie ?

- Oui, de cœur, et de père.



- Votre peinture ?

- … de père, aussi… en plus d’être une patrie à part entière.



- Vous sentez-vous arabe, ou musulmane… ?

- Foncièrement arabe, je crois pouvoir le dire, même si ma naissance est en Belgique. J’ai mes racines en Tunisie, intenses, vives, arrachées parfois.



- Pourtant, dans votre peinture, il n’y a rien d’explicite en ce sens…

- Aucune tunisianité, vous pouvez dire ; en effet, j’ai toujours travaillé avec authenticité, pour l’authenticité, et celle-ci ne se compte pas au nombre de dromadaires, de Sidi Bou Saïd représentés.



- … et musulmane, vous n’avez pas dit ?

- La question est plus rude, elle me fait question. La femme que je suis, la liberté qui l’anime, et son projet de vie, ne peuvent correspondre au schéma que voudrait en définir un dogme, quel qu’il soit : familial, social, ou religieux.



- Par les temps actuels, quelle est votre position par rapport à la Tunisie ?

- Un peu tragique, parce que fortement vécue, mais à distance, par cette espèce d’absence qui me suit un peu partout. Inquiète aussi, parce qu’en tant qu’artiste je la souhaite ouverte et lumineuse, « printanière », et que je puis craindre de voir s’imposer sournoisement certaines positions qui ne peuvent être en accord avec la tolérance artistique et culturelle…



- Vous pensez au film Persépolis ?

- Entre autres, évidemment, mais il y a l’ensemble d’un contexte pouvant mener à dictature, quand politique est entendu comme asséner le « ce qu’il faut », à la façon de ces censeurs pétrus de moralité, d’adultisme, et qui se recommandent du Plus-Haut pour mieux tenir empire. A ce propos, je dois dire mon hommage et toute ma solidarité envers la jeune égyptienne Aliaa Elmahdi qui a osé – et l’on connaît les risques...



- Vous en feriez presque un symbole de « La journée de la Femme » ?

- Bien sûr, avec un rien de regret. C’est malheureux qu’on doive en venir à cela, pour qu’on nous regarde en tant que femmes, et non point selon l’homme, ou le ciel… Je ne dis pas que l’Occident a les plus belles valeurs du monde, ou la plus grande des civilisations – loin de là – mais certaines valeurs, comme celle de laïcité, me semblent représenter un réel progrès culturel pour l’humanité en général.



- A ce propos, pensez-vous être athée ?

- C’est en effet une question essentielle. En pays musulman, dès lors que l’on dit « laïc », les gens entendent « athée ». Voyez ma peinture, et vous vous demanderez si je suis agnostique ou mystique. Des deux, je crois, mais non point athée. Je veux juste que le corps, l’esprit, le peuple, la politique, la vie ensemble et avec soi-même, puissent se faire sans définition imposée, prédéfinie, autoritariste.



- C’est un peu cela que vous cherchez dans vos toiles ?

- Oui. Parce que je ne cherche pas le Beau que l’on donnerait pour « beau ». Mais j’ai besoin du beau dans ma vie… lequel ? Celui où je me sens vivre, où je me sens peintre et femme, où je cherche encore. Et il y a là de cette Tunisie dont je vous parlais, celle de mon enfance…

Artmajeur

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