Nouredine Saidi

L'actualité se mord la queue comme un chien ennuyé qui se mord la sienne sous le soleil écrasant du mois de juillet, pendant que les hommes, pour mieux supporter les après-midi des étés caniculaires, font la sieste sous l'ombre d'un ficus centenaire en espérant se réveiller intacts, avec la tête sur les épaules et les bras bien accrochés à leurs troncs, selon la réalité de l'anatomie des humains, telle que la prévoit encore la science.
L'actualité se répète comme une vieille qui, en attendant l'ultime délivrance, radote indéfiniment la même aubade abstraite, pendant dix longues années de sénilité.
Des assassinats jusqu'à en pleuvoir, même en pleine sécheresse. Des drames jusqu'au bout d'une nuit sans fin et sans éclairage public.
Ambiance de cimetière. Nous dansons sur les cadavres. Et les cadavres battent la mesure en détonant parfois. C'est une valse mortuaire sur des tombeaux ouverts en permanence, sept jours sur sept. Sommes-nous les nouveaux croque-morts ? Au lieu de mesurer les cercueils comme dans une bande dessinée des aventures de Lucky Luke, ne sommes-nous pas en train de compter les cadavres dans de nouvelles aventures, teintées d'hémoglobine, d'un pays en voie de disparition ? Chaque matin, ou presque, nous reproduisons pourtant le même procédé macabre. Chaque jour, nous essayons de faire de l'esprit bon marché avec des victimes des marchés populaires et des transports en commun, de l'humour anglais avec des tragédies algériennes et des écrits sombres avec du sang rouge.Sept enfants qui meurent dans un terrain de foot, mitraillés par la haine avant la fin du match. Quinze personnes tuées dans un bus par la folie des assassins avant d'arriver à destination. Et ceux qui meurent pendant leur sommeil, soufflés par l'incursion d'une bombe. Et ceux qui sont égorgés pendant leurs prières par les lames d'un terroriste supportant mal la nostalgie des années twist. Et les autres, ceux qui n'ont pas su éviter les routes improbables, qu'on arrête devant leurs peurs en début de soirée dans un faux barrage.
Faut-il blinder les bus en attendant les grandes résolutions du G8 ? Faut-il offrir des gilets pare-balles à la population empruntant les bus ? Faut-il les laisser mourir en espérant un jour la fin des massacres ? C'est une possibilité aussi. D'ailleurs, c'est ce qui se fait. On les laisse mourir.
Les faux barrages sont pleins. Les barrages d'eau sont vides. Le peuple a soif de paix. Mais il n'a toujours pas d'eau dans ses robinets...