Ajouté le 6 nov. 2002
LE CHEMIN DE L'ARTISTE
Chaque artiste suit un parcours bien particulier. Le mien est très hétéroclite. J'ai cheminé d'une manière presque touristique loin des grandes écoles d'art jusqu'au jour où je me suis reconnue, découverte.
Ce déclic fut provoqué par cette fameuse rencontre: celle avec le peintre genevois Gilbert Mazliah, professeur à l'école d'art visuel de Genève et animateur du groupe "Ici, Maintenant".
LE MIROIR DU PEINTRE
L'une des expériences les plus marquantes que j'ai vécue lors de ses cours fut d'apprendre à peindre les yeux fermés!
Mais oui, la vision voilée nous permet de supprimer le jugement, souvent subjectif. En son absence, l'attention se porte sur d'autres sensations, plus pointues et plus subtiles, émergeant de l'inconscient
Peindre les yeux bandés, c'est plonger dans notre inconscient pour régresser jusqu'à l'enfance, parfois jusqu’au moment où notre créativité a pu être bloquée par des événements traumatiques.
Sans la correction du regard, nous nous exprimons par le dessin avec la spontanéité de l'enfant.
Cette expérience est difficile à vivre car notre œil a été habitué au "Beau et au Laid" par certains schémas picturaux bien appris, des représentations mentales léguées par notre culture.
Ces schémas peuvent annihiler peu à peu notre créativité. II faut, pour retrouver la créativité, s'aventurer au delà des frontières de cette puissante librairie d'images stockées dans notre mémoire visuelle.
Or, nous ne bousculons pas volontiers ces carcans. Mais si nous tentons l'expérience, les résultats sont surprenants.
Sur le papier, les dessins sont certes naïfs, voire parfois infantiles, mais qu'importe, ils permettent peu à peu de prendre conscience de la puissante créativité qui sommeille en chacun de nous.
Le dessin à l'aveugle développe cette créativité parce que, quand le souci n'est plus de "faire joli" ou de reproduire des grands maîtres, elle peut prendre son envol. C'est alors que l'horizon s'élargit considérablement et que nous pouvons explorer les canaux restés encore vierges.
MA CONSTRUCTON PICTURALE
Ma construction picturale se meut dans la peinture abstraite. J'aime toucher, triturer, caresser, jouer avec les matières sur de grandes toiles. En relief et en couleurs, je bâtis ma toile: un peu d'étoffe froissée, de la dentelle récupérée. Un sac de pommes de terre, des papiers de chocolat ou de fax, du buvard, des cheveux, du métal, bref toutes les matières m'attirent.
Puis je colorie la croûte ainsi constituée. Je fabrique également mes "jus", à base de pigments en poudre que je mélange à un liant synthétique. Je fais ma petite cuisine! Ensuite, patiemment, je superpose les couches, les couleurs: à l'éponge, au pinceau, en giclée, en pâtes épaisses ou mélangées à du sable.
J'applique tout cela à la spatule, au rouleau, en confrontant l'effet de transparence avec l'effet opaque.
L'aspect tactile prédomine dans mes tableaux, c'est le plaisir du toucher que je souhaite faire passer au spectateur.
La vie n'est pas un long fleuve tranquille. Pour aller plus loin, parfois il faut savoir retourner en arrière, reprendre ses gammes.
J'ai ré-appris à observer, des choses simples: "une boîte d'allumettes, un cendrier, un potiron" ainsi en me pliant à ces exercices, je me suis approchée d'une forme de réalité et de simplicité. J'ai mis également mon imaginaire en veilleuse.
En me concentrant sur l'objet, et RIEN d'autre, j'ai gagné une liberté que je n'imaginais même pas.
Depuis, mes gestes ont gagnés en simplicité, mon expression artistique paraît également plus lisible.
Probablement que cette nouvelle approche m'a ouvert les yeux et l'esprit, je me suis rendue plus attentive et disponibles aux millions de détails du quotidien.