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Galerie Nadine GRANIER

Retour à la liste Ajouté le 4 oct. 2014

Milagros Ferrer, La pureté soit-elle !

Avant tout autre propos, il faut « nommer » la première vision que l’on a de la peinture de Milagros Ferrer, des ambiances cotonneuses et douces, vision due pour partie à la dilution pas si courante des contours du sujet dans le « décor ».

Milagros Ferrer est Espagnole, mais elle ne s’abandonne pas et c’est tant mieux à l’abus du soleil écrasant toute subtilité… Sous le « soleil exactement »… La lumière intense du soleil brûle même les négatifs photographiques. Dans ses peintures, si les personnages qui mendient semblent écrasés, c’est plus par le poids des soucis, des difficultés, que par la chaleur.

D’ailleurs, dans les scènes où jouent des enfants, il y a une légèreté à nulle autre pareille, Milagros Ferrer saisit parfaitement ce moment où l’enfance est proche de la pureté et de la souplesse qui contraste justement avec les couleurs et les formes dures écrasées de lumière et la poussière de la terre ocre, (par exemple d’Antoni Tàpies, même si je reconnais là et bien entendu un grand peintre).

Même si Milagros Ferrer nous donne ainsi à voir des intérieurs, des bars tellement « typiques » ou des courses après des pigeons, comme l'on peut les voir sur les Ramblas de Barcelone (même ailleurs, j’en conviens), des musiciens de rues et des rues très justement Espagnoles, elle a une manière d’approcher le sujet très européenne, elle ne cède pas à la facilité de « faire typique ». D’aucuns le font… 

Elle peint avec sa spécificité géographique certes (Les rues, cafés, places…), mais surtout sa spécificité d’artiste qui voit au-delà de l’appartenance à une communauté d’artistes d’un pays ou d’un autre.

J’insiste sur ce fait, car jusqu’aux années soixante l’adhésion à une communauté géographique était souvent évidente.

De nos jours, l’Art s’est internationalisé et c’est très bien, car rien n’est plus navrant que le « nationalisme » esthétique.Même si les préoccupations esthétiques, politiques, sociologiques ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre : Julian Schnabel, l’Américain, a démarré là où Joseph Beuys, l’Allemand s’est arrêté. Donc, nous avons là une internationalisation de la culture (je n’écris pas Normalisation…) et c’est la culture qui elle seule peut rassembler les hommes. Autre exemple, si les « Young British Artists », est une appellation affirmant l’appartenance à une culture qui est une réalité ce me semble quand même « promotionnel », car qui a-t-il de commun entre David Hockney et Damien Hirst par exemple ?

Sinon, justement d’appréhender le monde tel qu’il est « actuellement » et d’où que ces artistes soient. C’est le signe des vrais artistes d’internationaliser leur travail, Picasso ne faisait pas une peinture Espagnole, ni Matisse une peinture Française.

Il est juste que Vermeer faisait une peinture Flamande, mais d’abord, j’ai parlé des années soixante. Et, autrefois, les artistes étaient pour beaucoup les employés des Rois, des puissants et du Clergé, il leur fallait donc répondre à une demande comme de nos jours la photographie de mode ou la publicité.

Mais certains se sont levés pour dire non, ainsi, Rembrandt a choqué avec sa représentation de « l’enlèvement de Ganymède » en le peignant comme un enfant braillard, au contraire de tous les autres peintres qui le montraient conforme aux standards du moment, en éphèbe.

Vélasquez ou Goya, sûrement en souffrance, peine et difficultés, se sont affranchis des règles imposées par leurs commanditaires.

Pour revenir à Milagros Ferrer, vous l’aurez compris, je soutiens qu’elle fait une peinture « internationale ». Et que sa démarche iconographique et sa manière sont beaucoup plus proches par exemple de Yan Pei Ming que de Diego Rivera. La lumière dans les peintures de Milagros Ferrer est très « Vermeerienne », ses couleurs pareillement dans beaucoup de ses tableaux, encore l’internationalisation…

L’apport et donc l’influence de la photo (comme Média), qui permet d’appréhender le flou du contour et du lointain par l’illusionnisme de la profondeur de champ, donne à Milagros Ferrer, comme à nous tous, les contemporains, à « voir » ce qui se trouve au-delà de la vue « normale », l’œil dans son fonctionnement « normal » ne voit pas les seconds plans flous, il faut pour cela que ce soit très lointain.Nous distinguons les images relativement nettes sur tous les plans pour la plupart du temps et Milagros Ferrer nous montre que non, le monde n’est pas fait que de netteté, qu'il s'agisse d'un excès d’oubli des individus ou du flou exprimant la pureté, des enfants jouent, des oiseaux s’envolent.

Dans le Cinéma on pourra trouver comme corollaire (Un exemple, il y en a bien d’autres), « Le Grand Meaulnes » de Jean-Gabriel Albicoco, il y a une proximité du « flou » dans les paysages, les couleurs, les flottements des tissus vaporeux, on trouve les mêmes mouvements de « caméra », la volupté des gestes des acteurs, entre le film et la peinture de Milagros Ferrer.

Mais le rapprochement est fortuit, car il est fort peu probable que Milagros Ferrer ait vu le film et son geste est suffisamment maîtrisé et exclusif pour que l’on excepte toute « inspiration ». Les blancs de Milagros Ferrer participent à cette impression de volupté, car il est manifeste que sa peinture est volupté, même dans des sujets « graves ».

Mais elle est aussi une réflexion sur la lenteur, donc, des enfants jouent, les minutes se suivent lentement en attendant un plat au restaurant, moment propice à la rêverie ; dans une autre peinture, l’on réfléchit à la stratégie à adopter lors d’une partie de cartes. Dans un marché on attend le client, ailleurs l’on dessine sur une toile devant le motif.

La pureté, la lenteur, sont des valeurs ou concepts pas si éloignés, en effet Milagros Ferrer nous donne à y réfléchir.

Qu’est ce qui est le plus important, la rapidité et la cupidité ou la lenteur et la pureté, propre à la réflexion, donc à l’observation de sa conscience individuelle et de son rapport au monde, aux autres, la limpidité, l’authenticité qui sont des états de ce qui n’est pas altéré par des principes corrompus.

Ainsi, la pureté soit-elle.

Michel Fourcade Artiste


 

Artmajeur

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