Jean-Marc Zabouri
Pourtant le temps profond
Dans mes mains le poids des ans
Et la lumière est mon pays
Les aveugles y retrouvent leur chemin
Semé d’or et de coquillages
Cane blanche à deux pattes
Cahin-caha ouvre la voie
Les enfants jouent aux cailloux
Ronds et brillants comme la lune
C’est ainsi que les bleus se font
Profonds comme la nuit
Verts comme l’océan écumé
Les jardins remplis d’amour
Là où les gazons recouvrent
Les dalles et les petites grilles
Dorées et serpentées de lierre
Vous attachent avec des ronces
De roses de velours d’un violet
Doux comme un châle usé
Je vous parle d’un pays
Où l’hiver s’attarde avant de
Laisser la place au printemps
Avant de prendre le large
Dans la fumée des cheminées
Qui étouffent les dernières bûches
Là où on se penche sur les violettes
Au goût de Romanée Conti
Au profond de ce pays
On s’enracine au parfum
Suave des souvenirs et des conversations
Qui suffisent pour ne pas mourir
Jm Zabouri Décembre 2016
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Pas plus tard que cette nuit
Sous les toits blancs de neige
Je suis tombé de mon lit
Et ma tête a heurté le coin
De ce petit meuble
Que l’on appelle chevet
Le tiroir s’en est ouvert
Et je me suis aperçu
Que tous mes rêves
Y étaient rangés
J’avais pour habitude
De les chercher dans un coin
De mon cerveau
Mais ils se sont trouvé un endroit
Bien plus secret, un endroit
Où personne ne serait allé
Pas même moi, les chercher…
J’y ai installé une petite lumière
Une lumière enfantine et douce
Elle sert de guide à mes rêves perdus
Afin qu’ils retrouvent leur chemin
Et que ceux qui veulent s’y reposer
Le puissent
Quatre planches de bois décoré
Qui veillent aux songes
En mon chevet
Jm Zabouri Novembre 2016
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Il a tant neigé
Le bleu des toits a disparu
Et le ciel est soulagé
Dans la chambre de bonne
Amants du dernier étage
Le plus bel étage
Fidèles, infiniment présents
Au creux du temps
Aux creux des mains
A bout de souffle
Aux purs gestes d’amour
Soumis à la lune
Qui brode les murs
D’un céleste argent
Ils s’aiment en leur royaume
Jm Zabouri Novembre 2016.
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Que peut vouloir dire ce rêve ?
J’étais un enfant silencieux
Retenant son souffle
Essuyant quelques larmes dorées
Le jour se levait empourpré
Des craintes de la nuit
Mes ailes se déployaient, immenses
Blanches et vierges
Et la terre s’est ouverte
Au-dessus d’une Reine
Dont le long cou d’albâtre
Orné de joyaux qui ne brillaient pas
Semblait s’étirer vers les nuages
Collier de nouilles et couronne de coquelicots.
Ensuite je me suis caché
Derrière un buisson d’aubépine
J’avais envie de faire pipi
Soudain au-devant de moi
Un grand secret essayait
De rattraper le temps
Mais celui-ci courait trop vite
« Moi aussi j’ai un secret ! »
Et toujours dans le ciel
Cette petite peine
En quête d’une grande joie
Pour la consoler.
Alors une chèvre multicolore arrivât avec son violon
Et c’est elle qui rendit grâce à la peine.
Un baiser sur le front c’est le matin
Je viens d’avoir huit ans
Chaque nuit d’une vie n’est pas assez longue
Pour rêver ce qui a été vécu
Sans explications
Jm Zabouri Novembre 2016
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La Plage
Broderies de bord de mer
Et petits cochons de Lannion
Autrement vécu ce voyage
Sur cahier collé
Le Paris-Brest est rapide
Et sa crème pralinée
Cheval de fer, cheval de mer
Eau forte, eau bleue
Sable dorloté par les cotons chamarrés
Héritiers du souvenir
Sauts, cris, joies
Les vagues de l’âme
Roulent et bousculent
Doigts de pieds, tête la première
Un détail, une main sort de l’eau
Décor modeste mais riche d’immensité
Seigneurs du rivage.
Jm Zabouri Juillet 2016
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Soudain octobre rompt de son tam-tam
Le silence écrasant de l’été qui a trop duré
Et la pluie ravissante et fraîche panse
Les brûlures du soleil.
C’est pour lui que je suis là
Ce monde vertical qui redescend sur terre
Pour nous donner des nouvelles
Et nous affirmer le présent.
Quel est le nom de sa couleur ?
Seul le ciel peut inventer une telle couleur
« Le temps qu’il faut ! »
Je suis ici chez moi, trempé jusqu’aux os
Je ne bronche pas
Je suis ivre de ce don d’Amour
Si les nuages souriaient
Nous serions à nouveau orphelins.
Jm Zabouri Novembre 2016
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Le coup de vent a dispersé les feuilles
Mais cette pomme restée seule sur l’arbre
Nous dit que ce qui vit est unique
En ce lieu, en ce moment
Comme ce regard qui crie
Comme cette voix nimbée d’iris
Notre saison durant
Nous nous devons de sauver les fées
Jm Zabouri Novembre 2016
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