Jean-Marc Zabouri
L'ombre au creux de la main
Regarde de tous tes yeux
Regarde
Car maintenant il ne faut plus pleurer
Ecoute de tout ton cœur
Ecoute
Montent en moi les chants que tu aimes.
Ne laisse que l’enfance nourrir ta vie
Inoffensive, elle porte les fruits, la Terre
Puissante, tremblante, aimante, invincible
Aussi grande que notre désir
Elle franchit sans bruit l’intimité du Monde
Le Roman de la mer et du vent.
A travers nous, comme un oiseau calme
Tu apprendras enfin ce que tu dois savoir
Sans effort déployé, laisse-toi voler !
Jm Zabouri
Septembre 2016
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Orane ma couleur d’automne
A contrecourant nous ne faisons que passer
Un plat de spaghetti au chocolat et aux cerises noires
Lové au creux d’une assiette d’oiseaux décorée
Festin contre les ouragans
Subtil mélange avec tout l’espace contenu
Aux confins du désir.
Le vieil arbre a poussé dans la maison
Et ses branches tortueuses abritent
Flammes et oiseaux de Paradis.
Soudain tu apparais hors d’haleine
Jaillissant des racines millénaires
Sève de jade et d’émeraude
Battant la tempe comme à la porte d’une église.
D’un regard tu m’arraches au temps
A moi-même
Dépose une goutte de parfum
Composé du passé de la grande lune
Nostalgie de sa rondeur
De l’ombre et des miracles.
Ce parfum qui résonne comme une mandoline
En bois de citronnier
Au centre des souvenirs captés ici
Dans la splendeur d’un soir, l’espace d’un soir,
Cédant à la saison des mandarines.
Je m’attarde au coin de tes yeux
Comme on s’attarde au coin de la rue
Du Pain grillé où chantent les mésanges
Avant la neige annoncée.
Le sifflement de la bûche qui va s’éteindre
Fait vaciller encore un peu la tapisserie
Et la senteur des aiguilles et des pommes de pins ramassées
Embaume notre instant à jamais unique
Les divins rayons de l’aurore s’offrent enfin.
Jm Zabouri
Novembre 2016.
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Je suis ici depuis quatre jours
Le verrou est tiré et je contemple
Je contemple dans le salon vert
De Vallauris à Monaco
Les petites veilleuses qui dansent.
Je n’ai pas encore décidé comment
Comment vais-je refaire mon destin ?
Du mont Gabriel je peux peut-être
Reprendre ma respiration et m’élancer ?
Je ne sais pas voler !
Dans ce ciel ridé de nuages
J’ai cru qu’il pouvait en être ainsi
Mais je ne sais décidément pas voler…
Je suis enfin sorti de la maison, les idées claires
La vérité n’est pas si dérangeante
Et mon esprit solide comme un roc
A la vitesse foudroyante du passé
A rendu visite à l’enfant sur la plage
Ils ont marché modestement dans le sable,
Gravi des rochers, contourné des tempêtes,
Lancé des ballons et sont revenus
Dans les pas laissés sur la grève,
Fidèles l’un à l’autre
Comme la vie l’est à la mort.
Jm Zabouri
Octobre 2016.
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De nuit traverser le parc et retrouver le banc
Le temps d’aimer, le temps de rire
A l’heure où la rosée nocturne se lève
Eveillant en nous le pays des brumes
Une grand-mère dentelle à la main
Comme une rose modeste sans épines
Qui raccommode les heures, les querelles
Et tient du bout des doigts ses sacrifices
Elle l’avait toujours dit petit bout de femme
Au visage de fruit défendu
Qu’elle serait là vaillante et minutieuse
Pour raconter les fables et les bonnes nouvelles
Mais sur la côte radieuse de ce parc bienheureux
Une jonque fleurie l’attendait en silence
Pour aller causer un peu plus loin sur une île jaune sacré
De nuit traverser le parc et retrouver le banc.
Jm Zabouri
Janvier 2017
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C’est loin
C’est encore loin ?
C’est la saison de la pluie amnésique.
Elle pourrait raconter Julien de la Porte St-Martin
Encharpé de laine et de fumée bleue.
Elle a le don de tout laver, de faire luire le pavé
Croyez-moi, elle vole, elle voit mais ne dit rien.
Au-dessus de son corps, de sa nuque
Tourne le monde
Il est ivre, kamikaze, il arpente
Gorilles en quête de chaleur flairent et humilient
L’air de Paris.
De sa cellule étroite, opium et houblon doré
Il voyage mais n’oublie rien.
C’est loin,
C’est déjà loin.
Jm Zabouri
Octobre 2016
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Est-il à moi cet endroit où je vis
Dont je respire chaque murmure ?
On y fabrique des mots, des silences, des soupirs
Des filaments interstellaires
Qui sont vous, qui avouent qui nous sommes
Les portraits figurant l’incertain
Et ce sentiment d’égalité entre eux et moi.
Retrouvés rue du Bac à sable
Des broderies de cotons, des brins de laine
Cousus bout à bout, parties manquantes,
Le début de l’histoire.
Muettes pour certains, odorantes pour d’autres
Les lettres frémissent sans s’incliner
Le i dans sa rectitude
Et le m, vague à l’âme à l’envers
Danse d’un monde à l’autre
Aime.
Une ampoule qui éclaire le plafond qui danse
Matin
La pluie se plaint sur les volets dévorés par le temps
Je me suis senti chez moi
La récréation qui vient
Je ne connais pas la faim de ceux qui veulent rentrer chez eux.
Jm Zabouri
Décembre 2016.