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Retour à la liste Ajouté le 21 avr. 2011

Tout est illuminé

Les toiles s'empilent dans l'atelier, véritables explosions de couleurs terre, ocre, carmin, iris, ambre, sable? Et sur les toiles se superposent les couches de vernis, donnant à ces paysages, à ces arbres, à ces visages, des profondeurs aussi multiples qu'insondables. Dans chaque tableau on devine le rêve sous la réalité, et l'inverse.

Entremêlant force et douceur, air et terre, matières solides et éthérées, Frank Milo plonge l'observateur dans un monde fait de dualité, certes, mais surtout de complémentarité. Car si on sent le froid libéré momentanément par une de ses toiles, c'est uniquement pour se retrouver plongé en pleine canicule à la minute suivante. Si l'on se sent oppressé, le temps d'un instant, par la représentation d'un ciel lourd et menaçant, ce n'est que pour ressentir la grandeur de l'espace et incidemment, la liberté offerte par ce même ciel, quelques secondes plus tard.

Chez Frank Milo, rien n'est tout à fait noir. Remarquez, rien n'est tout à fait blanc non plus. En fait, chez Frank Milo, tout est illuminé. Il suffit de regarder ces visages qui remplissent entièrement les cadres de leur forme nourrie, de leur regard pénétrant, de leur air mystérieux (Défense du moi, Perception du moi?) et d'observer ces paysages faits de firmaments impalpables et de végétation éparse (Lueur, Buim, Neblinando?), pour comprendre que l'artiste adore combiner les contraires. Et que ces contraires s'attirent. À la perfection.

À l'instar de Paul Balmer, Frank Milo ne s'est attaqué à la peinture qu'une fois bien armé de ses connaissances en architecture. C'est de ce respect de l'égalité, de l'équilibre et de la balance des éléments tiré de sa spécialisation première qu'il a fait sa signature artistique. Comme Balmer, il a fait le choix de conjuguer deux domaines distincts mais ô combien compatibles. Et comme lui, il s'est inspiré de ses nombreuses escapades en terres étrangères pour créer ses panoramas. «Quand je peins, je me transporte dans mon esprit. Je pense constamment aux voyages que j'ai faits? et à ceux que je vais faire. Afrique, Europe, Amérique latine? Je marche au fil du rayon solaire.»

C'est après être passé de sa table à dessin à? sa table à dessin («Je n'ai jamais étudié en peinture. J'ai toujours travaillé à plat, sur une table. Et c'est encore ainsi que je travaille aujourd'hui »), que Milo s'est attelé à rendre, par le biais de ses toiles, le mouvement qui l'a toujours habité, mouvement dont il a fréquemment déploré le manque du temps où il travaillait en architecture, ou encore en Web design, autre domaine dans lequel il a fait sa marque par le passé. Ce mouvement que la peinture lui a enfin permis de saisir dans toute son essence, on le ressent dans les ciels chargés, dans les feuillages touffus, dans les sols rocailleux. Dans ces tranches de paysages qui semblent apparaître sur la toile après avoir soigneusement coupées en deux.

Comme Matisse, qui clamait «Quand je mets un vert, ça ne veut pas dire de l'herbe; quand je mets un bleu, ça ne veut pas dire le ciel », Frank Milo utilise sa palette selon son instinct, faisant fi des conventions. Ainsi, les sols se chargent de violets et les cieux se teignent de zébrés sable et turquoise. Mais là où le fauvisme est agressif, Milo rejette toute notion de hargne, d'agressivité ou de révolte.

À d'autres la création dans la douleur, la souffrance, le mal-être, donc. Frank Milo, lui, conçoit dans la sérénité, l'extase, la plénitude. Et l'état dans lequel il compose ses oeuvres transparaît dans chacun des aspects de ses toiles : dans les pigments embrasés, dans les vifs coups de pinceau, dans les applications soigneuses d'époxy. «J'ai vécu ma tourmente à un jeune âge. Quand j'ai commencé à peindre, c'était à l'époque où j'étais le mieux avec moi-même. J'ai toujours cru que, pour être un 'vrai' artiste, on devait impérativement être angoissé. Mais quand j'ai compris que les gens voyaient dans mes tableaux le même calme, la même placidité et la même force tranquille que je ressens lorsque je crée, j'ai décidé d'aller à l'encontre des idées reçues et de continuer dans cette énergie positive.»

Alors, que cachent les toiles de Frank Milo? Des promesses de terres lointaines, d'horizons inexplorés doublées de symboles familiers, de paysages connus. Dans cette optique, le symbole de l'arbre occupe une place primordiale. Il est ce pilier solide au sein d'un monde trop souvent dispersé, qui parvient à ancrer l'oeuvre dans une réalité tangible. «Même si les lieux changent, l'arbre reste, souligne l'artiste. Même si l'homme s'acharne à détruire la nature, même si la température est en mouvance constante, l'arbre est toujours là, bien ancré au sol. Et il est là pour rester.»

Inutile de dire que dans le paysage artistique, Frank Milo l'est aussi.

* Par Nathalia Wysocka

Artmajeur

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