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Sabine Delahaut

Retour à la liste Ajouté le 12 déc. 2017

La gravure comme refuge et libération. par Jean-Paul Gavart-Perret

Toujours à l’affût de la promesse de l’aube et de son chat qui gratte à sa porte Sabine Delahaut se nourrit toujours rêves d’enfance. Les rêves et les souvenirs sont pour elle un terreau des plus fertiles. Née à Liège elle a su plaquer un travail qui ne la satisfaisait. Elle est allée vers la mise en images des idées qui germent aux « spectacle de la rue, dans les transports en commun, dans mes rêves ou lors d’une conversation ». L’artiste les ébauche d’abord à l’aide de dessins puis les transpose sur une plaque de cuivre. Elle l’incise à l’aide de toutes sortes d’outils de taille douce dont et principalement le burin. Elle imprime ensuite des épreuves, en couleur ou non dans un atelier de gravure qui se trouve dans le 14ème arrondissement de Paris.
Le geste même de la gravure représente pour la créatrice la possibilité de laisser une trace qui se révélera être « un relief tangible, une petite boursouflure sur le grain du papier, comme un fil posé, me fascine. C’est un geste ancestral, simple et beau ». Sabine Delahaut préfère le burin par rapport à l’eau- forte. Elle en rejette le côté par trop aléatoire. Le burin à l’inverse permet de maîtriser son travail d’un bout à l’autre. Celui-là « pousse la ligne vers l’avant, étire le temps dans un geste hypnotique, rassurant. Il est parfois nécessaire de bloquer sa respiration afin de manoeuvre une plaque de grand format, car c’est toujours la plaque qui bouge et donne le mouvement à la ligne et non le burin ».

Pour l’artiste la gravure est une passion dévorante. Elle adore le cuivre vierge lord de promesses comme elle aime les outils qui le pénètrent sensuellement en ayant soin de le caresser afin de vérifier l’absence d’aspérité ou pour combler ses creux de blanc d’Espagne et ainsi révéler le dessin petit à petit. Elle a une tendresse particulière à « cette noble vieille dame » qu’est une presse. Il s’agit de son alliée imposante et nécessaire « faite d’engrenages, de rouleaux et de plateau ». Bref encre, huile, papier, grain, filigrane, grattoir, ébarboir, roulette, burin, pointe sèche, tarlatane, spatule, parfums d’ateliers et d’encres chau ées restent les ingrédients passionnels d’un art confidentiel, discret et silencieux qui implique un partage de savoir et une transmission.
Sabine Delahaut a pour grands anciens ou contemporains Dürer, Memling, Holbein, Louise Bourgeois, Kiki Smith, Vija Celmins, Luc Tuymans, ... Toutes celles et tous ceux que fascinent la spacieuse mélancolie, la solitude extensive et lumineuse. La créatrice construit un espace de douleur et de douceur, la cage de l'être aux barreaux élastiques afin qu'il puisse passer à
travers. La gravure devient le théâtre de son ailleurs. Chaque trait est ouvert, fermé. Il fait reconnaître l'inclinaison du temps là où le geste de création ne sou re pas de compromis et où le regard est dans la main. Graver revient toujours inciser le présent en un acte immobile presque immobile La courbe des épaules de l’artiste dit combien elle ne peut pas se permettre la moindre digression, le moindre geste fantôme.
Surgit chaque fois un état naissant. Entendons par là le secret de la fascination. Un paysage s’ouvre sous la paupière comme s’il s’agissait d’un tableau de Vermeer dont le nom veut dire « plus lointain ». Il y a soudain une ressemblance étrange. Elle rapproche de l’harmonie. Bref une secrète parenté surgit entre le rêve et le théâtre de la gravure même toujours plus vrai que la réalité. L’imaginaire atteint alors ses propres limites, sa frontière . Cela pose la
question de la gravure donc de la vie. Inciser revient à se livrer à sa fascination méticuleuse.

http://www.artpointfrance.info/article-sabine-delahaut-99479604.html
Par Art Point France - Publié dans : Sur et hors de la toile : J.-P. Gavard Perret
Février 2012

Artmajeur

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